jeudi 29 septembre 2011

Chochotte

Les odeurs m’incommodent aujourd’hui.
Elles m’échauffent les oreilles, en s’invitant dans mon nez sans mon consentement.
Car j’ai une idée claire. Une image, couleur tamarin en point de mire, focalisée sur un horizon d’effluves. Attentive à l'essai épinglé sur la mouillette, je fouille entre des lignes invisibles, pour déceler les abus et les failles du parfum en devenir.
Soudain, sans crier gare, l’odeur âcre de mes sabots de cuir harcelle ma narine gauche. OK. La journée est chaude, je transpire des pieds. Dilatation de la semelle qui se met à suinter le veau fumé. Je m’agite sur mon siège. Je me rechausse et, agacée, je flaire la peau de mon avant-bras pour me calmer. Flute, j’ai changé de crème hydratante ce matin, et l’odeur me déboussole. Trop de petit grain aux relents d’asperges, trop d’oxyde de rose qui m’évoque le céleri rave… (soupire) j’embaume le bouillon cube.
Quelques minutes plus tard, je mets le nez dehors, un petit éventail d’echantillons dans la main, pour écouter le parfum à l’air libre, loin du bureau et de son atmosphère viciée. Nez penché sur le papier, j’aspire à petites bouffées. Paf, une seconde gifle. L’odeur pyrogenée et visqueuse du mazout de la chaudière plante ses crocs. Mes parfums tamarins basculent sur un accord ambré très animal. Dans l'heure qui suit, le shampooing à la rhubarbe que j’ai utilisé ce matin me frôle, puis, ce sont les vapeurs de café qui s'échappent du mug de mon assistante. Enfin, et le nez m’en tombe, l'eau de toilette ambrée lardée d’éclats de diesel et de remugle de camion, distribuée généreusement avec le colis par le livreur tout sourire d’UPS.
Oups !
Ce n’est pas mon jour. Dissipation et éparpillement.
J’ai un radar qui joue les chochottes. Un cerveau monté sur vélo.
Qui s’emmêle les cils et se noit dans le bulbe.
Je range mes flacons. Balance toutes mes mouillettes dans la poubelle. Puis, mes clics et mes claques, sabots dondaine, m’en vais déguster un énorme gâteau !
Mes papilles seront certainement opérationnelles. Et tant pis pour l’effet rétronasal. Na !


Petit Grain : Huile essentielle produite avec les bourgeons et les feuilles de l'Oranger Bigaradier ( appelé aussi oranger amer). On réalise également avec cette arbre l'huile essentielle de fleurs d'oranger (Neroli), et l'huille essentielle d'Orange Bigarade. Pour conclure sur la petite histoire de botanique amateur, cet oranger non gréffé produit des fruits impropres à la consommation, mais que l'on utilise pour réaliser la fameuse "marmelade", le vin d'orange, les écorces confites... Les oranges à jus,  dites "douces", proviennent d'un arbre gréffé. Description olfactive perso.: asperge, grincant, flotte, fleur de bébé, mustella, doudou, sale, propre, vert, frais, froid, métalique. 
Oxyde de Rose : matière première de synthèse, que l'on trouve à l'état naturel dans la rose, le geranium. Voici les mots que j'utilise pour la décrire: puissante++, verte, persil, celeri rave, rouille, boisée cèdre, rose fanée, feuille de rosier, mouillée, sèche ( oui, parfois c'est contradictoire), papier Q ( car très utilisé pour ce type de parfumage!:)), cuir, âcre, salé, rêche, pointue, piquante. 
Pyrogenée (odeur pyrogenée): jargon de parfumeur pour décrire une odeur carbonisée. Plus largement, toutes les odeurs noires, de cuir et de brulée/fumée âcre. Certaines matières premières naturelles sont "brulées" lors de leur traitement afin d'obtenir ce caractère particulier: l'huile essentielle de bouleau, le cèdre, le styrax, le labdanum pour les plus courant. Ce sont des résines extraite d'arbres ou d'arbustes.


10 commentaires:

  1. Une tarte tropézienne !

    Narriman

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  2. Catherine Levray3 octobre 2011 à 12:24

    Bonjour Céline, tout me parle, un peu de nostalgie sans aucun doute je retrouve un peu l'ambiance de ces chaudes journées au Ribas chez Aesthete ! J'espère à très bientôt ! Bises

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  3. Ah ! Mes journées sont aussi chaotiques et désorientantes que cette poursuite infernale. On court au milieu de la foule pour essayer de choper un truc, là-bas, je ne sais même plus quoi, et ça bouscule sans arrêt...

    PS : je n'ai toujours pas fini Les Poils du Dieu Pan... et je suis silencieux, c'est mon habit gris quand je déprime mollement...

    Je t'envoie des bisous surprise !

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  4. "sabots dondaine" ...c'est (entre autres choses) ça que j'adore chez toi ! un vocable de l'enfance qu'on n'utilise plus, qu'on a oublié...mais qui sonne tellement familier qu'on a presque honte de ne jamais le caser dans aucune phrase.
    Moi aussi mon cerveau est monté sur vélo et je pédale dans ... le chocolat pour accompagner ton gâteau !
    bises ma chochotte préférée !

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  5. Je prends beaucoup de plaisir à vous lire.

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  6. Bonjour Narriman,

    Une tarte tropezienne....un must de crème et de légereté.
    J'ai également un faible pour le mille-feuille.
    En fait ce jour là, j'ai achevé l'apple crumble confectionné la veille et réchauffé un peu...avc une cuillère de crème fraiche épaisse :) Miam !

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  7. Bonjour Catherine,
    Prise de tête et bon souvenirs...agréable cocktail parfois;)

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  8. Salut Lapo,
    Bon aller va, je t'apporte la photocopie des poils du dieu pan...parceque feuilleter un blog ce n'est pas ce qui est le plus pratique !!
    Bises itou

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  9. Bonjour Steph,
    et merci.
    Je répond tellement tardivement aux commentaires,et je m'en excuse, que j'espère que depuis tu n'a pas finit noyée dans le chocolat ?! Bises ôssi

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  10. Bonjour Taralinn,
    Réponse tardive, mais sincère : merci beaucoup pour vos mots. C'est toujours encourageant à lire, et cela procure le désir de poursuivre dans ce sens. Merci !

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