vendredi 12 juillet 2013

Lunettes: à vue de nez

J’ai le nez clairvoyant. Mais quelques soucis avec ma vue. Parfois, lorsque c’est absolument nécessaire, mon visage disparait derrière deux petits hublots, cercles de verres qui me permettent d’appréhender le monde en détail, sans un flou parfois bien commode. Par exemple, je préfère me contempler dans un miroir sans mes lunettes. Non qu’elles ne me siéent point, simplement parce que mon visage me parait ainsi plus doux et bien moins marqué par les ans. Je change rarement de montures. Mais, le mois dernier, je me suis assise sur ma paire de lunettes qui a très mal réagi en disparaissant sous l’étendue de mon postérieur. Lorsque j’ai senti l’objet déformer ma chair, il était déjà trop tard. Mes fesses se sont adaptées, mes lunettes absolument pas. Regard de guingois, me voilà chez l’opticien. J’enchaine les différents modèles, minaude devant le miroir, hésite : trop lourdes, trop étroites, trop grandes où sont donc passé mes sourcils, trop colorés, trop ternes je ressemble à une maitresse d’école à l’ancienne, à une harpie, à une coincée, jusqu’au moment où je mets la main sur la forme et la couleur qui se prête à mon caractère. Mise en verres et réglages divers, me voici deux jours plus tard dans une salle bondée de cinéma zieutant le dernier succès du moment. Un mélange étrange traine sous mon nez. Sans doute la mixture pop-corn et eaux de toilette élaborée à partir de la foule rassemblée. Je me laisse happer par le film et perds de vue l’odeur. Lundi bureau. Première réunion de la journée. Changement de programme : projection de camemberts et de diagrammes multicolores. Je chausse mes nouvelles lunettes et j’apprécie sans intérêt la netteté des chiffres minuscules après la virgule. Une odeur passe, papillonne autour de moi. Petite bestiole mystérieuse, elle volète puis s’échappe. Quelques flacons de parfum censés illustrer le marché actuel sont alignés sur la table. Je tends la main et, discrètement à tour de rôle, je les glisse sous mon nez : aucun d’eux ne m’évoque l’odeur oscillante. Je tourne mon nez, balaye l’espace alentour afin de capturer une information olfactive pertinente qui me permette d’identifier la source de cette vibration odorante faible, mais tenace, qui chatouille mon museau. Mon manège finit par attirer l’attention de la conférencière qui s’interrompt. Je sourie et lui fais signe que ce n’est rien, pardon, je suis désolée de l’avoir coupé dans son élan. Pensive, je cesse de m’agiter et, dépitée, je retire les lunettes et les déposes sur la table. L’odeur disparait. Je ne m’en aperçois pas, car je frotte entre deux doigts l’arête de mon nez, fermant les yeux à m’en broyer les paupières. Puis, geste d’automate, mes doigts chopent les montures et les calent derechef à l’emplacement prévu à cet effet. Volète, volète, la petite odeur. Je déconnecte complètement du sujet de la réunion et concentre toute mon attention sur ce miasme gentil, mais étrange. Flocon de purée déshydraté. Premiers mots posés sur l’invisible. Puis, carotte fraiche et bouchon de liège neuf. Un truc ensuite, illisible, que je ne peux nommer, ni imager : entre métal et fumée. Épicé, certainement. En plein remue-méninge, louchant sur la pointe de mon blair, je compare chaque facette des molécules, prisonnières fugaces de mes cils olfactifs en prise directe avec ma cervelle, au flot d’images et de sensations stockées depuis belle lurette dans ma mémoire. Système de classements et de recoupements tentaculaires où les propositions se succèdent telles des fiches cartonnées stockées dans les tiroirs d’une bibliothèque. Oui, je sais, je n’ai pas encore basculé dans l’ère informatique… La conclusion est simple. Je disparais sous un feu d’artifice ininterrompu de minuscules poussières odorantes sans intérêt ni étiquettes, qui finissent cependant par m’agacer et me démanger telle la Mouche du Coche de Monsieur de la Fontaine. J’achève la réunion sans lunettes, dans le flou le plus total me demandant si c’est l’odeur naturelle du matériau employé ou bien si celui-ci a été parfumé artificiellement ? Je n’ai pas de réponse. Depuis, je suis retournée voir mon opticien qui a accepté, septique, d’échanger mes montures, bien que personne jusqu’à présent ne se soit plein d’un inconfort olfactif. J’ai appris également que la conférencière m’a jeté de lourds regards noirs de reproche jusqu’à la fin de son intervention, tandis que je reniflais par à coup, les branches de mes lunettes, tâchant de comprendre le phénomène des montures odorantes.

jeudi 16 mai 2013

Anosmie et Espadrilles

Impossible d’entendre les odeurs, car le vent se lève.
Les mailles se resserrent et se chargent d’un relent électrique de sève acide, d’eau emprisonnée dans la mousse des rivières. Vingt minutes plus tard, la pluie tombe, et les nuages chargés de particules délestent une étrange odeur de poussière céleste. Un parfum d’espadrille. Je déploie mon parapluie et contemple mes pieds chaussés de cuir. Talon pointe, talon pointe, entrechat sur le fil du trottoir, je sens sous la pluie. L’haleine grasse des pavés et du cuir détrempé de mes souliers, celle surannée sucrés de mes pantalons humides et, au-dessus de ma tête, la vibration grinçante de la toile synthétique qui m’épargne l’averse. Je ferme mon parapluie et tends mon visage vers les gouttes. L’odeur d’espadrille à disparue. J’éternue.
Anosmie.

mardi 7 mai 2013

Cannes Festival

J'ai quitté Paris.
Maintenant je demeure dans le Sud.
Celui de l’Est
Car évidemment, en France il existe plusieurs Sud. L’accent n’y est pas le même, les gens, les paysages et les odeurs offrent des profils distincts. La cuisine se singularise. Il ne faut pas confondre. Nous recevons des amis, heureux de venir nous retrouver dans cette région de carte postale. Nous offrons le soleil et ils nous apportent les nouvelles de Paris. Échange de bons procédés. Parmi les visites touristiques incontournables, il y a la mer en fin de journée quand la chaleur s’apaise et que l’on peut flâner sur la promenade qui borde le rivage sans crainte de rôtir. Nous sommes à Cannes. Avant l’ouverture du Festival. Les stars sont déjà au rendez-vous. Elles défilent sur des podiums invisibles, m’enlacent, m’embrassent, abandonnant à leur passage fabuleux quelques traces fraîches de fards indélébiles. Je me fais l’effet d’un photographe tentant de capturer en un flash l’instant fugitif d’une silhouette, d’un sourire. Les vedettes sont nombreuses et parfois, je les confonds avec leurs doublures. Bien sûr, les starlettes sont au rendez-vous, aguicheuses et irrévérencieuses ; les figurants nombreux, les indépendants beaucoup plus rares. Je fronce le nez, agréablement agacée par tant d’aller et venues. Sur cette célèbre avenue, aux pieds des marches du palais tendues de rouge, une foule d'anonymes arborent le clou évanescent d’une tenue vestimentaire soigneusement élaborée. Impossible pourtant de déterminer avec précision à quelles mouillettes géantes endimanchées appartiennent tels ou tels parfums. Je tente de discerner une corrélation entre le style affiché et le parfum exposé, mais en vain. Cette eau de toilette froufroutante ne coïncide pas vraiment avec la jeune femme qui déambule en santiag sous mon nez. Les parfums, en cette courte saison, sont à l’image du Festival de Cannes : clinquants, sophistiqués et outrageusement bruyants ! Mon nez s’amuse comme un beau diable et je n’en finis pas de jouer aux devinettes "tu sens qui ?", à tel point que j’oublie de répondre à mon amie qui me demande pour la troisième fois où avons-nous projeté de diner….ben je ne sais pas, je me nourris de parfums pour l’instant, tu en veux un peu, il y a l’embarras du choix ?



vendredi 5 avril 2013

J’veux du soleil !

Une fois n’est pas coutume je lève les yeux, contemple le plafond et attend une réponse. Le plafond s’en fiche. Aucun remous ne trouble son grain blanc. Je fronce les sourcils et grommèle en balançant la plume de buvard imprégné de mon dernier essai qui vole comme un avion en papier, traverse la largeur du bureau et s’écrase contre le mur. Plafond. Murs. L’exact aspect de mon cerveau en cet instant. La mélodie olfactive m’échappe. Fleur de brume et bois flotté, morne écho de cette journée d’un mois de Mars boudeur. Dépitée, je détourne mon regard des minuscules flacons contenant des études d’eau de toilette qui forment plusieurs ilots scintillants dispersés sur mon bureau, et contemple le paysage mâché par la pluie. Comme chaque année à la même période, l’hiver s’étire en soubresauts pénibles et, le manque de lumière, de chaleur se fait sentir. J’veux du soleil !!
Ce soleil qui donne la même odeur aux gens, dès les premiers beaux jours.
Sueur et mélamine. Sucrée salée. Sous l’effet de la chaleur et des rayons du soleil la peau change d’odeur et tricote avec les lotions hydratantes anti-UV, créant ainsi  une silhouette olfactive commune en Europe.


Tout a commencé au 18em siècle lorsque la noblesse anglaise instaura la très chic habitude d’aller prendre les eaux dans des villes thermales. Cette inclination saisonnière inspira très rapidement la classe dirigeante française, puis toute l’Europe. La saison des plages normandes et l’usage du bain de mer revêtu d’un pyjama sombre, de bas blancs couvrant les mollets et de ballerines nouées aux chevilles, apparues à la fin du 19em siècle. Vinrent ensuite les congés payés qui généralisèrent l’idée de prendre du bon temps, et surtout du soleil. Adopter les sports de montagne au début du 20em siècle, choisir la Riviera en hiver, qui deviendra par la suite en se popularisant, la Côte d’Azur en été, peu importe les lieus ou les origines sociales, les parfums des lotions hydratantes et solaires démocratisent dès lors les épidermes. Les slogans publicitaires fluctuent au fur et à mesure des modes ou des besoins, sans toutefois corriger le message olfactif. Aujourd’hui, chacun de nous reconnait la signature capiteuse de la peau en vacances.
Poudre de riz, blanc de lys, lait végétal à la rose ou crème de guimauve, lait d’amande ou esprit de citron sont autant de propositions pour conserver ou éclaircir une peau blanche, signe ostentatoire à la du fin 19em et au début 20em, d’une oisiveté de bon ton auprès des dames de la haute bourgeoisie. Pétales de rose, fleurs de jasmin, herbes aromatiques, benjoin au parfum de vanille, huiles végétales plus ou moins rances, citron, farine poudrée et fruits secs évocateurs de miel, sont autant d’odeurs simples et puissantes associées à la notion de protection, de douceur et de fraicheur. Une palette olfactive rassurante que notre mémoire a préservée puis transmise aux générations suivantes, et que l’on retrouve dans la majorité des soins antirides ou fermetés vendus de nos jours. La notion de beauté a évolué : jadis, une crème promettait un teint sans défaut, rose et transparent, 100 ans plus tard, nous ambitionnons un épiderme lisse et sans rayure, mais le parfum demeure sensiblement le même : rose, patchouli et benjoin, sur un fond de musc aujourd’hui synthétique. Le muguet, a remplacé le jasmin à partir des années 80, jugé trop animal pour notre nez riveté à la notion de propreté des lessives modernes apparues dans les années 70, saturées de musc poly ou macrocyclique.
Ainsi, la crème Nivéa possède un parfum caractéristique qui n’a pratiquement pas changé depuis son lancement au début du siècle dernier, au point d’inspirer tous les produits de la marque qui seront développés par la suite, aussi bien pour l’enfant que pour l’homme. Un frais parfum de rose citronnée (présence de géranium) et de lavande ficelé sur la trame d’un muguet, auquel on ajoute quelques gouttes de benjoin.


En 1994, stagiaire chez Haarmann et Reimer à Holzminden en Allemagne, j’ai joué mes premières gammes comme parfumeur junior, sur la marque Nivea. Mon maitre de stage, Elke Dörrier, m’avait confié un exercice amusant, mais terriblement complexe. Imaginer une crème solaire pour enfants. À ce moment-là, je ne savais pas qu’elle travaillait sur ce projet depuis déjà un moment. Convaincue, à peine sortie de l’ISIPCA, de mon talent créatif et de mes qualités de technicienne, j’ai débarqué le lendemain dans son bureau avec mes premiers essais. Parfum génial dans petit pot de crème blanche bien épaisse. Ce jour-là j’ai vraiment apprécié la gentillesse et la patience d’Elke, car j’étais totalement hors sujet ! Le parfum n’évoquait absolument pas la signature Nivéa, mais un truc mignon, sympathique et original, sans toutefois couvrir parfaitement l’odeur de levure de la base solaire qui piquait désagréablement le nez, et, pour finir, en jetant un coup d’œil à ma formule dont j’étais très fière, elle me proposa de poser mon pilulier sur le bord d’une fenêtre afin de procéder à un test très simple de stabilité : 1 semaine aux rayons banals du soleil afin de vérifier si la couleur et l’odeur demeureraient identiques. Trois jours plus tard, ma crème d'un beau blanc nacré virait crème de marrons, tandis que le parfumage avait totalement disparu au profit d’un accord de friture aigre.
Parfumer une crème solaire n’est certes pas une mince affaire. Il faut reproduire une griffe olfactive spécifique , par principe distinctive selon les marques et leurs lieux de naissance (Nivea, l’Oréal, Delial, Clarins, Avon, Johnson & Johnson…), greffer les marqueurs génériques du soin solaire, ajouter quelques détails afin de la rendre singulière ( n'y voyez pas de contradiction) , et, dans ce cas précis,  renforcer d'une étiquette olfactive "enfant". Enfin, le parfum doit demeurer plaisant et stable, c’est-à-dire appréhender les transformations chimiques qui peuvent survenir lorsque le parfum entre en contact avec la base anti-UV. Comme tous artistes j’ai commencé par reproduire les travaux réalisés par les anciens : j’ai copié le parfum de la crème Nivéa. Ensuite j’ai entrepris d’analyser avec mon nez et ma petite cervelle, la singularité de cette odeur : quels étaient les ingrédients déterminants, et où donc se nichait la trame majeure de la formule. Ce fameux fil rouge, ou ligne claire, sur lequel les matières premières tissent le rapport d’odeur. Comme tous les artisans, j’ai reproduit plusieurs fois ma formule, modulant, coupant et mesurant les matériaux jusqu’au moment où mon parfum s’est correctement entortillé autour de l’odeur de la galénique, tel un pas de deux, et conservé définitivement sa couleur. Aucune recette miracle, car la parfumerie possède des principes, mais n’est absolument pas une science exacte. Tâtonnement. Expérience. Mais aujourd’hui encore quelques déconvenues : flûte ! Mais ça devrait marcher, là… !
En 1996 la crème solaire Nivéa pour enfant a été commercialisée dans toute l’Europe. Le parfum fut réalisé par Elke, et très légèrement agrémenté par ma petite pomme de junior, après plusieurs mois de travail, d’essais et de test divers. Ce parfum est toujours présent dans le soin solaire pour enfants.

Plusieurs décennies auparavant, en 1911, la crème Nivéa propose de rafraîchir et de calmer l’épiderme, puis, les vacances se démocratisant, à partir des années 30 le pot bleu prétend protéger la peau soumit aux rigueurs climatiques, aussi bien des gerçures que des coups de soleil, bien que la protection UV soit alors absente. En 1934, Delial est le premier soin protecteur bronzant à contenir un agent anti UV B, le néo Héliopan, qui ne possède pas vraiment d’odeur (farine douce de maïs comme la polenta). La marque propose de parfumer sa nouvelle lotion d’une composition conventionnelle à base de rose de synthèse et de benjoin.
En 1935 l’Ambre Solaire des laboratoires l’Oréal, un long flacon cranté pour éviter qu’il ne glisse entre les doigts, est commercialisé. L’huile fine possède une odeur caractéristique: le salicylate de benzyle. Matière première bien connue des parfumeurs, elle est ici employée en grande quantité pour ses qualités anti-UV. Cette odeur très douce, légèrement salée et minérale comme un galet de plage, grasse et fleurit, remémorant l’huile de coco, la fleur de tiaré et l’œillet, associé au refrain habituel de benjoin et de rose, va inonder rapidement les plages françaises, et répandre en quelques années sur l’Europe, l’identité olfactive définitive du soin solaire le distinguant ainsi du simple soin cosmétique.
Au cours des années 70 le bronzage intense s’affiche sans vergogne comme un label de vacances réussies. Rien de plus vulgaire en effet (ou source de moquerie : combien de fois ais-je été affublée du doux sobriquet de lavabo par mes gentils petits camarades…), qu’une peau blanche au cœur de l’été ou durant les congés d’hiver, signe éloquent d’activité laborieuse et donc de mauvaise mine. Bersagol propose un soin solaire activateur de bronzage naturel. La marque exploite un ingrédient provenant de l’huile essentielle de la bergamote : le bergaptène, qui stimule la mélamine responsable du bronzage. La peau se colore rapidement d’une chaude teinte de caramel et exhale un sensuel accord de cologne ambrée flanquée de salicylates. Depuis, les bergaptènes ont été retirés de la circulation et les huiles essentielles de bergamote traitées en conséquence, car les dermatologues se sont aperçus que la mélamine ainsi stimulée avait une nette tendance à provoquer des taches indélébiles et des risques probables de cancers de la peau…Mais l’odeur, elle, est demeurée.


Il suffit de trois matériaux pour créer l’odeur de la plage : huile essentielle de Bergamote ( ou pour les radins de l’acétate de linalyle), absolue de Baume Benjoin (ou, pour les radins un peu de vanilline….mais attention à son instabilité couleur qui vire parfois au maronnasse, donc on choisira la coumarine) et salicylate de benzyle ( pas cher et très stable !).
Tout le reste n’est que simple figure de style et fioritures: patchouli, vétiver, noix de coco, bougainvillier, grenade, rose ou tiaré, lotus, frangipanier, oranger ou muguet, mousse, mangue, passion et papaye, calonne, floralozone ou melonal pour renforcer la note marine, sont autant d’accessoires proposés par les parfumeurs pour faire rêver les vacanciers.
….ou les créateurs en perte d’inspiration…soupir
Toute la pluie tombe sur moi, pom, pom, pom…resoupir !



NB :
Trois ouvrages où j’ai glané quelques renseignements pour ce post solaire :
-« Grain de beauté, un siècle de beauté par la publicité », édition Somogy, Bibliothèque Forney, 1993
-« Coups de Soleil et Bikinis », Musée International de la Parfumerie, édition Milan, 1997
- « Créez vos cosmétiques Bio », Sylvie Hampikian, édition Terre Vivante, 2007,2011


Un grand merci à Elke, pour m’avoir offert spontanément et à plusieurs reprises, toute sa patience et sa confiance au cours de ma carrière chez H&R puis Symrise.

Et un grand merci également aux lectrices et lecteurs tout aussi patients....parfois être au four de mes formules et au moulin de mes chroniques n'est pas d'une composition aisées ! Aussi, puisque je suis avant tout un parfumeur, je privilégie les odeurs tandis que mes courts récits poireautent...





jeudi 21 février 2013

L’âge de raison

Tout commence à l’âge de trois ans, menton dressé :
- nan, je veux pas !
- Tant pis pour toi

Aux environs des quatre ans, yeux levés :
- pourquoi ? Et pourquoi… ?
- Parce que c’est comme ça et puis voilà.

À l’âge de raison, visage chiffonné :
- Bêêêêrk, ça sent mauvais !
- Oui, mais ça ne se dit pas

Car jusqu’à l’âge de cinq ans l’enfant ne manifeste nulle opinion, ne prononce aucune critique. Tout fait signe, tout sent bon.
Mais en catimini, l’éducation œuvre et mouline, et, à l’âge de 7 ans, l’enfant est à même de faire le tri entre les bonnes et les mauvaises odeurs. Celles qui sont dangereuses, sales, désagréables, se distinguent nettement de celles qui sont plaisantes, rigolotes, appétissantes ou familières.
Un lâché de prout sonore et odorant dans une assemblée ne gêne pas les tout petits qui poursuivent leurs activités sans même froncer le nez.
Le même, abandonné quelques années plus tard dans une salle de classe de CE1 et voici nos petits anges, hilares, qui se pincent le nez en poussant de hauts cris scandalisés et plutôt moqueurs…
Les odeurs fécales ne sont pas repoussantes pour les enfants. Pipi/Caca sont une création dont on se débarrasse dans sa couche ou sur le pot devant un public d’abord attentif et élogieux, puis à l’abri des regards et des nez étrangers. Le dégoût s’affirme tardivement, vers l’adolescence.
Les enfants évoquent spontanément les odeurs qui frôlent leurs petits nez. Ainsi ma fille, qui gobe quelques molécules dans la rue lors d’une matinée shoping me demande avec un air gourmand : « miam, c’est quoi maman ? ». Je ne sens rien à ma hauteur, aussi, je m’agenouille afin d’avoir mon nez au même niveau que le sien. Et là, au côté de ma fille, sur le trottoir parmi les piétons qui nous contournent en ronchonnant, je tente de retrouver le filigrane dont il est question. Gaz de voiture, crotte de chien, goudron, maroquinerie et petit truc sucré. Cacahuète caramélisée. Aucun stand de vente de chouchou dans les environs. Ma fille a capté un courant d’air apporté d’une rue environnante, imperceptible à hauteur d’adulte.
À partir de cet instant, j’ai commencé à renifler les odeurs à hauteur d’enfant, pour me rendre compte que les informations sont très différentes et souvent, plus abondantes. Mais la plupart du temps dégoutantes pour un nez d’adulte. Relents de pisse, de merde, de décompositions, de combustion, de moisissure, d’ordures, bref, de tout ce que l’être humain fabrique de mieux en terme de déchets et de pourriture, mais qui pourtant n’offusque point l’odorat d’un jeune enfant.
Aujourd’hui, ma fille atteint l’âge de raison. Elle porte un jugement sur les parfums qui viennent chatouiller son nez lorsque je l’embrasse ou quand il s’agit de faire la bise à une personne qu’elle ne connait pas. C’est à ce moment-là que les convenances normalement interviennent : l’odeur bascule tabou, car l’enfant ne doit pas exprimer son ressenti. Et bien souvent, il abandonne rapidmement l'idée de fourrer son nez partout et il regarde simplement.
Pas de chance pour notre société de l’image, j’adore parler odeur. Aussi ma fille partage en régalade tous ses commentaires : Maman, tu as encore mangé des sardines ! J’adore quand tu mets du vernis ! Ben-dit-donc, tu sens le dodo…tu t’es brossé les dents ? Aaah ! t’as bu un verre de vin ! La dame…elle se lave pas les cheveux ? Le meussieu sent bizarre, c’est quoi, le chien ? Il/elle, a mis trop de parfum, ça colle, c’est trop sucrééééé ! Bheuuuuu….c’est la bouffe du chat, ça snouffe le poisson qui pue…auquel s’ajoute les grimaces pour mettre en scène les miasmes du quotidien.

Par contre, les odeurs fécales ne la gênent toujours pas…

jeudi 24 janvier 2013

Séduction

Au petit matin, la nuit hésite à abandonner la partie. J’accompagne mon fils jusqu’au portail, puis je le regarde s’éloigner dans le clair-obscur. Son pas élastique de jeune adolescent conquérant l’emporte vers le bus qui comme chaque matin engrange sa fournée d’ados, et parcours la longue route sinueuse qui les mènera au lycée. Je contemple la silhouette mate de mon grand bonhomme quand l’éclat de la lune, ou les premières lueurs du soleil, allument des reflets bleu améthyste sur les trompettes des liserons qui grimpent à l’assaut des clôtures grillagées du jardin des voisins. Mon nez précède mes pieds: j’étire le cou et cherche le parfum de la fleur. En vain. Le liseron n’a pas besoin d’odeur, sa couleur tape-à-l’œil contente les insectes pollinisateurs : fascinés par l’œil du cône ils achèvent leurs courses éborgnées par les pistils orange. La nature pense à tout. Comme élaborer des odeurs chantournées pour les fleurs au blanc monotone dont les bestioles volantes n’ont que faire, leur préférant les tenues criardes et froufroutantes. Qu’à cela ne tienne ! D’une couronne virginale s’échappe quelques molécules polissonnes, aussitôt une cour bourdonnante encercle la fleur incolore et l’affaire est faite !

La nature met en œuvre.
Le parfumeur imagine

L’odeur du liseron.
Dont la fleur déploie sa corole dès les premiers traits de lumière. La liane de ses tiges qui s’entortille, crue et verte sur le fil de fer du grillage. L’éclat du pistil, la jupe d’un bleu sombre. Veloutée. Nacrée. Rose au centre. Je pense aux premiers vers du récit de l’Odyssée « Aurore aux doigts de rose » qui annonce une nouvelle journée. Mondes inconnus. La tête dans les nuages, je jongle entre les mots et les odeurs et compose le parfum du liseron. Je poursuis mon fil, tombe de Charybde en Scylla, puis parcours ma bibliothèque cérébrale et plonge dans le récit de Circé qui séduisit Ulysse. Quel parfum portait-elle quand elle échouat à transformer l’homme rusé en pourceau grâce à ses breuvages, mais parvint à le retenir sous son emprise pendant une année en sa demeure ?

Le courant d’air s’engouffre sous ma tenue matinale, j’ai froid aux chevilles dans mes pantoufles germaniques et ma robe de chambre, molle et élimée, ne suffit pas à repousser l’humidité glacée du point du jour. Circée la charmeuse s’évapore, l’ordinaire reprend son souffle. Tiens, et si j’allais me faire une tasse de thé, après j’irais me maquiller et puis je choisirais bien une jupe turquoise…

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mercredi 23 janvier 2013

Mercaptan – Tentative de truc de survit

Œuf avarié. Danger. Fuite de gaz.
Une usine de chimie en France vient de faire un rôt.
Nauséabond, mais sans danger pour la santé.

L’odeur étrange oppresse. Provoque irritation et maux de tête. Pas moyen de saisir la nappe immonde pour la renvoyer à son expéditeur.

Ainsi en fait le nez. Qu’à sa tête !
Il enfourne, engrange et tricote en boucle : mercaptan, œuf dur avarié, ail mou, oignon pourrit, mercaptan, pourrit, pourrit, œuf dur vomit, soupe d’ail, pourrit, pourrit…et la tête dodeline comme ballotée par la houle.

Pas moyen de tourner le visage pour éviter la gifle fétide et empêcher les molécules de se faufiler dans le conduit olfactif. Impossible de prendre les jambes à son cou pour échapper à la vague pestilentielle.

D’où le sentiment d’inconfort, d’angoisse et les maux de tête qui peuvent, parfois, enfler jusqu’au tournis.

Patience.
Ou bien,
Accepter l’odeur du mercaptan et l’oublier dans un coin du nez.
Sinon,
Trouver une odeur plus forte et bien grasse pour boulotter le mercaptan : pop-corn, hamburger, beignet, fish and chips…
Choisir un parfum familier pour neutraliser le mercaptan : t-shirt perso, vêtement de son conjoint, de son enfant…
Mais éviter son parfum préféré, dont la mélodie va s’ajouter au mercaptan et créer la confusion, au risque, lorsque la paix olfactive sera revenue, de vous amener à le détester, car il pourrait être définitivement amalgamé au relent d’œuf pourrit.

Le nez est un type casse-pied….Depuis le temps que je vous le dis !

















vendredi 18 janvier 2013

Pause Café 2

Paris premier froid, boulevard des Capucines. Café de l’Olympia. Heure pleine avant le concert. Heure creuse avant ton arrivée. Tu n’es pas en retard, je patiente, un demi posé sur le comptoir, coincée entre les épaules d’un homme et le sac d’une dame aux angles de cuirs bien durs pointés à hauteur de ma hanche. Ça chatouille, je me tortille. Le sac s’efface, les épaules de l’homme ne bougent pas. Je sirote ma première gorgée de bière. La fameuse. Parfums de trèfle, de sudation, de pollen et de copeau de bois. La salle est bondée, les odeurs tambourinent sous mon nez. Toc, toc, on veut entrer, se faufiler et glisser entre les plis ; être analysés et soigneusement répartis. S’entasser aux rayons sauces et graillons, dégoter une petite case aux nouveautés eaux de toilette et s’épanouir à l’espace phénomènes de société. Toc, toc, on veut entrer ! J’hésite. Je préfère savourer ma bière. Les molécules impatientes insistent, gratte à l’huis et tentent un nouvel assaut lorsque je détache le nez de mon verre. On se calme les filles ! J’agite la main et provoque un tourbillon invisible autour de mon visage, j’imagine les ondes, vaguelettes ordonnées, éparpillant au loin les molécules impertinentes, mais c’est peine perdue, car ma curiosité toujours plus forte les voici qui rappliquent aussi sec et, j’accepte, bienheureuse victime, d’ouvrir finalement les vannes. Les odeurs sont emmaillotées, serrées comme pelote de laine. Grondement olfactif. Rumeur amère. Conversation cacophonique de mille molécules qui s’égosillent ou bourdonnent en chœur. Je trace un axe sur le paper-board de ma mémoire sur lequel je glisse le nuage odorant. J’épingle les signes pertinents et j’écarte les interférences. Je m’amuse à identifier la fadeur poivrée, alliacée, d’un sandwich pâté cornichon, celle aigrelette et soufrée d’un cantal beurre qui accolé au parfum miellé de la bière clignote sperme, celle grinçante d’un petit ballon de rouge, poussiéreuse d’un quart Vittel, sirupeuse confit-de-bois d’un porto presque noir, je capte un poc artificiel et je repousse le miasme conventionnel, tenace et métallique du désinfectant qui se faufile depuis les toilettes reléguées au sous-sol. Soudain, mon nuage aromatique se volatilise : le son supplante l’odeur. Un serveur gueule « attention chaud devant !» et passe derrière un couple, un plateau, en bout de bras au-dessus de sa tête, posé en équilibre sur ses doigts distendus. Au sommet, le Perrier lâche des gaz et disperse sur la foule des saveurs ludiques de menthe mêlée au rhum Baccardi. Je replonge et j’inspire la flaveur rassurante des tranches de pain frais tapissées de rondelles de saucisson. Je m’aperçois que ces dernières possèdent un relent commun avec les pêches en boite. Thé Lipton, odeur du foin après la pluie : pisseux et aigre. Café, odeur du cirage à chaussures et des cendres chaudes. Vaisselle rapide dans une eau grise au fumet de vieux ragoût, une lichette citronnelle de liquide décapant, une éponge flasque, insipide et rance. Va-et-vient. Courant d’air frisquet de la porte qui s’ouvre sur la rue. Automne. Premier marron chaud farineux et maïs grillé caramélisé. La porte se referme. Odeur chien-mouillé d’un croque-monsieur. Orange pressée. Chocolat chaud et lait bouilli maintes fois. Foule tumultueuse du soir. Parfums messager. Chypre et Oriental. Ce n’est pas un concert nouveau-jeune, mais bobos quarantenaires. Cologne et fougère. Tiens, au-delà de cinquante ans également. L’heure tourne, les arômes de mangeailles augmentent, basculent paisiblement en tonalités aiguës. Fromage fondu. Jambon chaud. Bière et vin blanc. J’éprouve la sensation d’évoluer dans un cours de danse au cœur de l’effort. Parfum de chaussons fatigués, de corps échauffés et concentrés, de linges et de cheveux moites. Un truc moelleux et réconfortant. J’en oublierai que mes pieds effleurent le sol tandis que mon corps est irrésistiblement hissé, comprimé par les piliers de bar de plus en plus nombreux….







jeudi 17 janvier 2013

Erreur et Mondes parrallèles

Bon. Je ne sais pas par quel coup du sort informatique "Cimetière 2" s'est retrouvé en tête de liste du mois de janvier, alors qu'il se trouvait bien sagement dans son tiroir au mois de Novembre pour la Toussaint....mais c'est comme ça.
J'ai du faire une erreur de manip, ne me demandez pas laquelle.
J'accepte que les matières premières odorantes n'en fassent qu'à leur tête et me donnent du fil à retordre, qu'elles s'échappent, me filent entre les doigts et me surprennent où je ne les attends pas, mais je ne possède pas ce degré de tolérance vis à vis des outils informatiques, ni aucune curiosité pour tenter de démêler l'intrigue du saut de puce.
Je fais avec
Et je vous prie de bien vouloir m'excuser pour les interférences dans notre programme..... :))

Cimetière 2

Novembre. Cimetière et Halloween. Tombe et citrouille.
Un post au jus de trouille !
Souvent, je me suis amusée à créer des parfums de minerai, des odeurs de potiron. J’essaimai au long des couloirs, entre les bureaux, par-dessus les étages, mes petits pots parfumés rangés dans mon panier, déterminée à les glisser sous le nez des évaluatrices ou des commerciaux. Qu’en pense ton nez ? Il est frais mon caillou ? Et ma citrouille, n’est-elle pas gironde ? Si, si, ça sent bon, mais à quelle fin ? Bah ! Des objets de cire, pourquoi pas. Mèche et bougie. Petite flamme et ambiance marine pour l’un, fleur des îles pour l’autre. Ne cherchez pas une signification quelconque, ce sont des histoires de marketing. Mes parfums de météorite ou de kryptonite connurent un succès d’estime qui n’a pas dépassé le seuil de l’entreprise : rigolo, hyper créatif, mais impossible à porter. Imaginez-vous affublé d’un pull de roche…ça gratte un peu, non ?
Novembre. C’est l’anniversaire du cimetière.
À Paris le Père-Lachaise s’étire au soleil, son odeur est douce, un peu miellée, rassurante. Le cimetière de Montmartre git au fond d’un trou, à l’ombre. Les chats sont nombreux. L’odeur de la pierre et de l’humidité fiche la trouille.
N’ayez pas peur. Attardez-vous dans les cimetières, rendez visite aux meubles immobiles : asseyez-vous sur une tombe en demandant auparavant la permission à la personne qui se trouve en dessous.
Respirez l’ambiance. Rien de morbide.
Souvent ces lieux, ouvert et uni, sont balayés par les vents, les courants d’odeurs. Les parfums s’en donnent à cœur joie. Combinaisons spontanées, hasardeux mélange minéral et végétal, d’ombre et de lumière.
Si vous souhaitez fuguer à l’automne, rendez visite au vieux cimetière du village de Château-Double dans le Var. Celui-ci tangue sur un éperon rocheux au-dessus d’une gorge fine qui mène jusqu’à la mer. Les tombes sont usées par la pluie drue et le soleil cru, les ronces forment dentelles et les cyprès larges et noirs, veillent, tels des chevaliers sans peur et sans reproche. La grille d’accès grince comme au cinéma et, sous vos pas, le gravier blanc croustille dans le silence comme des brisures de gâteau sec. La nuit, je n’irai pas. Trop la trouille. Mais un beau jour de novembre, le lieu est propice à la rêverie olfactive. La fumée des feux de broussailles se tortille jusqu’au sommet du promontoire évoquant des odeurs de coton, de jeans, de tarte aux mûres, et de bacon grillé. Les ronces libèrent à chaque frottement contre les pierres tombales un parfum de tabac et de noix de coco que je traduis aussitôt par Héliotropine + Gamma Octalactone. Une narine sur la brèche, le vent me taraude. Mon nez se refroidit rapidement et je ne sens plus rien. Je m’éloigne de la bordure de pierre qui retient les tombes en lisière du vide et je m’installe au soleil sur un rectangle de granit anonyme. Je papote un peu avec son occupant tout en me traitant de fofolle superstitieuse. La végétation alentour arborent ses plus beaux atours, tonalités citrouilles et amarante, tandis que je discerne l’amertume pamplemousse, caractéristique des térébinthes qui pullulent dans cette région. Non loin de mon épaule, un bosquet noir de laurier « sauce » pulse des vagues aromatiques. Je me rends compte que l’odeur du laurier est très proche de la saveur de la cardamome saupoudrée de cannelle. Une bourrasque m’apporte un reliquat de chêne sombre et moite, vétiver et helional, un vestige de bois de cade, résine et vanille, un savoureux effluve de lentisque, pointu et vif comme un combava. J’imagine le vent s’engouffrant dans le défilé, frottant les aspérités, ricochant sur les parois tandis qu’il dérobe pêle-mêle les sucs et les feuilles, les poussières et les brindilles, pour disperser à la fin de sa course, chaque jour en toutes saisons, son chapardage sur les stèles. Offrande évanescente. Âmes insaisissables s’abstenir.
Repue d’odeurs et de soleil, je ferme les yeux et m’assoupit. Soudain, mon nez toque et désosse une volute inédite, artificielle et chantournée : une eau de toilette. Ah ! Mais que vient-il faire ici celui-là ? Pas moyen d’être tranquille. Une femme. Anthranilate de méthyle, salicylate, musc macrocyclique, harmonie ambroxan/sandalore, labdanum en trace. Moderne….ou tendance vintage. Chloé, Amaridge, J’Adore…. Paupières closes, je consulte ma liste perso dans mon fichier cerveau, menu EdT, égrenant les possibles, éliminant au fur et à mesure les différents candidats qui s’affichent sur l’écran de ma mémoire olfactive à raison d’un détail, fruit, patchouli, rond, tubéreuse, lys, qui concorde ou non, avec les signes ténus qui s’échappent du ruban odorant qui s’effiloche, invisible, entre les pierres tombales. Intriguée, je décide de jeter un œil sur la visiteuse et de me lever afin de poursuivre mon chemin. Je ne souhaite pas être prise en flagrant délit de sieste dans un lieu de mort, quand j’interromps mon geste, en équilibre genoux fléchit, puis retombe assise et indécise, car il n’y a personne.
Juste un fantôme de parfum.