vendredi 23 octobre 2009

Interlude 2

Bonjour à tous,

Quelques mots pour vous dire que les chroniques s'interrompent pour peut être 2 semaines, car je prend le large à la campagne.
Je vais parcourir les forêts du Limousin, rammasser des chataîgnes et récolter de la boue avec un plaisir d'enfant, sur mes chaussures de ville !
A très bientôt,
...et un immense merci pour vos commentaires et votre lecture, même sans commentaires !

mardi 20 octobre 2009

Jardin d'enfants

Me voici comme presque chaque dimanche, à l’heure de l’après sieste des tous petits, assise, silencieuse, à contempler ma progéniture courir en tous sens, et lâchant de-ci de-là, sans raisons apparentes, des cris stridents de joie et de peur mêlées. C’est d’un ennui….
Pourtant, j’ai de la chance, car il ne fait pas encore trop froid en ce début d’automne, la lumière est douce et apaisante. Songeuse, je compte la fréquence des gamelles, et le nombre de bouches soudainement ouvertes sur un cri scandalisé « je-m’a-fais-mal-maman ». Je repère les coups d'épaules et autres tatanes à l’insu des grandes personnes, et je mesure combien cet univers lilliputien est redoutable. Lorsque je me suis lancée dans la grande aventure à deux, de faire des enfants, j’avais imaginé de nombreux scénarios comportant moult scènes de plaisir, d’engueulade, de rire, de responsabilités, mais je n’avais pas envisagé celle qui revient en boucle : l’après-midi au square du quartier, parce qu’il ne reste plus beaucoup de temps entre la fin de la sieste, et le début du bain/repas/dodo du soir. Mais comme tout bon parent qui se respecte, j’enfile blousons et chaussures et, en route ma poule, dehors tout le monde afin de prendre l’air, quitte un brin dans le coin, pour dépenser le trop plein d’énergie accumulée dans les petites jambes et les petits poumons !
Le Square, donc.
Long et étroit rectangle de verdure bien ordonnée, aux allées de graviers régulièrement ratissées, délimité par quelques arbres soigneusement taillés et encadré par la ligne d’immeubles en briques rouges de mon quartier. A la proue, on trouve le vieux kiosk qui ne musique plus du tout, mais qui résonne des conversations d’ados qui échangent le dernier single indispensable, sur leurs MP3. En poupe, coté piaillements, un quadrille de bancs publics, jamais assez nombreux cependant pour accueillir tous les parents abandonnés, qui couvent d’un œil vague la marmaille bruyante, déboulant parmi les éléments de la minuscule maison de Crusoé des villes. Assemblage de bois, plastique rigide et cordes synthétiques, défiant toutes les normes de sécurité Européenne, prolongé par deux toboggans en aluminium froid. Et pour recevoir les petites fesses aventurières, un sol en caoutchouc absorbant, qui parfois fait pouic, quand on marche dessus pour secourir notre bambin. A chaque pouic, un petit jet de gaz odorant qui rappel l’odeur de la chambre à air des vélos de mon enfance, et la crème Mitosyl.
Assise sur mon banc je me tortille comme une gamine impatiente, car la guinguette, pourtant située à l’autre bout du terrain de jeux, me chatouille les narines avec des effluves sournois de gaufres bien chaudes, aux arrêtes croustillantes et caramélisées. Un enfant imprudent passe sous mon nez avec une Barbapapa aérienne, qui penche dangereusement sur son bâton. Si j’osais, je donnerai un léger coup de griffe sur cette tour de Babel trop tentante. Personne ne remarquera rien, non ? Mais un doute me vient d’emporter sur le bout de mon doigt, malgré ma dextérité, toute la vapeur de sucre rose. Scandale intolérable de larcin glouton sur un ange sans défense : ma réputation de maman idéale en prendrait un coup ! Avec effort, je vide mon nez des odeurs trop alléchantes, qui finissent par me rendre nerveuse. Raisonnable, mais submergée par un long soupir de regret, je contemple résignée le bac à sable humide, où se disputent une ribambelle de râteaux et de seaux en plastiques, dont certains sont parfumés à la fraise ou à la vanille. Je décline, comme un refrain de comptine « 1, 2, 3, nous irons au bois », les saveurs mêlées des biscuits broyés aux accents de beurre frais, du pain d’épices en miette, des gourdes de compotes de pommes éventrées, et de quelques quignons de pains barbouillés de sable et de Nutella. En m’approchant d’une échelle, qui franchit un précipice imaginaire, où ma fille se dispute la place avec un petit camarade qui sent le chocolat, je suis soudain fouettée par une farandole d’enfants heureux, débarbouillés généreusement avec des lotions pour le visage, où je débusque l’odeur de Poupina, de Mustella, d’un shampooing à la Poire et d’une eau de toilette à la Tagada.
Mais en retournant prendre place sur mon banc, assise bien sagement, mes narines trainent et capturent sans plaisirs les relents d’un monticule de feuilles mortes, la poussière des Platanes, la flétrissure de fleurs en fin de vie, au cœur de pollen mouillé.
Non, décidemment, je n’apprécie pas de passer du temps sur un banc dur et froid, dans un square des familles. Résultat mon nez boude, et déforme les odeurs, sans rien leur trouver de quoi que ce soit d’agréable. Je fais un caprice. Na !

mercredi 14 octobre 2009

Lumière !

Couleur nuit. Blanche à Paris.
Comme tous les ans, je dors bienheureuse, au moment où la ville propose de nous entrainer dans son sillage nocturne.
Quelques heures plus tard, par le hasard d’un bref zapping de la presse quotidienne, en lorgnant par-dessus l’épaule de mon voisin de métro, je découvre qu’une gigantesque boule à facettes suspendue au cœur du Jardin du Luxembourg, frappée par le trait éblouissant d’un projecteur planté au sommet du réservoir d’eau de Montmartre, offrait aux visages levés, le privilège d’une nuit étoilée, impossible à contempler en ville…
Le regard perdue sur la photo, où l’on distingue l’immense bras de lumière verte, suspendu au dessus de ville et effleurant la fameuse sphère, je commence à m’interroger sur l’odeur de cette lueur, couleur gazon. Impossible d’aller poser mon nez dessus. Mais si notre imagination peut concevoir des étoiles éphémère, nous pouvons sans doute inventer des volutes parfumés, produites par des vibrations de lumières ? Allez, tiens ! Je vous emmène, nez devant, pour découvrir quelques rayons de mon invention.
Goûtons d’abord à cette caricature nocturne de Paris : le voisinage du Moulin Rouge, qui concentre en une courte avenue, une profusion de néons vifs et colorés. Ce foisonnement brouillé et liquide m’évoque souvent l’odeur minérale des pâtés mous, façonnés dans les bacs à sables des jardins d’enfants. Une consistance de saccharose et de bouillie d’avoine, mélange singulier pour des trottoirs à la décadence contrôlée.
J’ai un faible pour l’odeur de l’éclairage des stations d’autoroute. Les lampadaires reptiliens, avec leurs cols inclinés, leurs immobilités indifférentes, m’évoquent souvent les envahisseurs de la Guerre des Mondes. Leurs halos blafards d’une nuance mauve, parfois vert absinthe, émulsionnent dans un même potage, les relents douçâtre du bitume et du diesel, les éclats âcres des capots surchauffés des véhicules -- maculés d’insectes broyés/séchés -- qui suintent une odeur de Zan et de peinture glycéro cuite au four. Ajoutez pour la douceur, une louche de café mouillé, une généreuse rasade de fausse lavande, trimbalée par les gens de passage, et vous obtenez un surprenant résultat qui éclate en bulles de chaleurs miellées, et picotements poivrés.
Mais celui que je préfère entre tous : l’éclairage public de nos campagnes. Juchée sur le sommet d’un poteau en bois maculé de goudron, l’ampoule énorme, couverte d’une assiette renversée, pulse une lumière rose et faible dans les premières minutes, puis s’échauffe et atteint sa pleine intensité. Parfois un papillon de nuit vient y griller ces ailes. Ces lampes possèdent une odeur très particulière : curieux mélanges d’effluves de jambon de pays enveloppés dans un torchon en cuir (le goudron qui s’échauffe), d’écharde de bois, de pop corn (papillons grillés !) et une sensation de sève verte et puissante, quand le mât garde encore le souvenir de sa vie d’arbre…
Avec un peu de chance (enfin, pour la sécurité je ne suis pas sure que le terme soit bien choisit !), peut-être, êtes vous tombés nez à nez avec une de ces ampoules oubliées depuis longtemps dans une cave ou un grenier. Eclairage maximum, cru et nu. Filaments apparents qui vibrent et diffusent lumière et chaleur. Et surtout le fil conducteur enveloppé dans une gaine en tissus un peu lâche et bien usé. Cordon ombilical odorant. Odeur grasse et boisée, toiles d’araignées, crottes de souris et autres moisissures humides : mélange apéritif de cacahuètes tièdes, de noix de muscade éventée, et de champignons déshydratés. Miam. Non ?
Aujourd’hui les lampes à faible consommation que nous utilisons pour le bien-être de notre environnement et de notre porte-monnaie, ne chauffent plus. Pas d’odeur. Juste une lumière froide, efficace et utile. Alors je porte mon nez ailleurs et j’imagine encore, le parfum de la lumière noire, des feux stop, de l’électricité statique, des halogènes qui grillent en belles volutes les insectes égarés et la poussière oubliée, de la lampe chez le dentiste, de l’écran télé, en fonction de la pertinence des programmes, des lampes torches égarées dans la nuit …et j’en oublie

lundi 5 octobre 2009

Escalier 1

Instantané carte postale au sommet des escaliers de Montmartre, à l’aube, après une nuit passée chez des amis à refaire le monde, avec nos mots et nos silences. J’ai la tête un tantinet embrouillée, les gestes lents et l’esprit serein. Vingt minutes plus tôt j’ai quitté la tribu, mais sur le chemin du retour, mes pas ont dérogé à l’habitude d’aller droit au lit pour récupérer quelques heures d’un sommeil nécessaire. En général, je contourne la Butte depuis le boulevard Clignancourt, puis, tel un Dahu, je glisse de guingois et parviens sans effort jusqu’à ma ruelle étroite, versant Abbesses. Ce matin, je décide de gravir les rues tortueuses et escarpées, attirée par les premiers rayons du soleil, de ce mois de Juin qui me chatouille agréablement le nez. Derniers lacets, rue du Chevalier de la Barre mes pas ralentissent, car je suis essoufflée d’une part, et ensuite parce que je savoure le plaisir d’arriver en catimini dans le dos de Paris, afin de surprendre son état d’esprit au petit matin. Je longe la Basilique silencieuse, je découvre un ciel doux de plus en plus vaste, je distingue les premières griffures des toits, et me voici solitaire, en lisière des escaliers qui déroulent quelques degrés jusqu’au funiculaire, puis se prolongent en une seconde vague qui s’achève au pied du manège des petits chevaux de bois.
Comme le Pont des Arts, les escaliers de Montmartre sont balayés par un vent régulier toute l’année, qui autorise si on s’attarde un peu, d’inhaler les effluves intimes de la grande ville. En ce tout début d’été, au milieu d’une journée ensoleillée, l’air se charge des éclats métalliques des toits en contre bas, puis à chaque marche il s’enrichit du parfum des touristes, des arômes des nourritures nomades, et des effluves des jardins alentours. On peut enjoliver cette description de quelques relents de térébenthine, échappés des tubes de peintures des artistes de la place du Tertre. Mais là, mon nez vous mène en balade. Car le vent ne s’offre pas de tel détour, et je ne possède pas une telle capacité de perception !
Mais à cette heure vraiment matinale, l’atmosphère est particulière. J’éprouve une confortable sensation d’abandon, l’impression de flotter au dessus des toits de Paris. L’agitation des rues et des boulevards, demeure pour quelques instants encore, un murmure agréable. Les odeurs sont assoupies, volutes souples et langoureuses. Enfilades de molécules qui se déploient doucement, prudemment, comme on étire ses bras au dessus de la tête le matin au réveil. Soupir de bien être paisible, lorsque notre souffle s’échappe de nos poumons endormis. Paris respire. Je suis assise sur les marches, attentive et discrète. Surtout, ne pas être importune. Oubliez-moi, je vous renifle.
J’embrasse les toits, je contemple les tuyaux biscornus du Centre George Pompidou, je devine les méandres de la Seine, je repère l’aiguille affûtée de la Tour Eiffel. Bien sur, je ne peux pas sentir l’odeur de tous ces monuments, mais mon esprit s’amuse à composer une petite rengaine parfumée. Une ritournelle, où il est question de brume bleutée, un peu froide et frissonnante ; d’un ruban souple, à l’odeur mouillée et scintillante, pour évoquer le fleuve et les rues fraîches ; de quelques traits verticaux à l’odeur de fenouil et de ronces, pour suggérer le remugle des poutres et des tubes en métal. J’aime imaginer que mon nez capture la texture des fibres, échappées des centaines de rouleaux au repos, des tissus du Marché Saint Pierre, vaste immeuble aux parquets usés par les piétinements des clients de passages. Parfum complexe et désuet, de ouate poussiéreuse, de teintures neuves, de résines, et de bois vernis.
Soudain, monte jusqu’à moi une saveur froide, minérale, presque âcre, comme la peau d’une banane verte. En contre bas, j’aperçois les aller et venues des véhicules d’entretien qui arrosent copieusement les rues pavées, afin de les débarrasser des déchets de la veille, pour les livrer luisantes aux touristes qui se promèneront le nez en l’air, appliqués à ne rien perdre de vue. Plus proche de mes narines, les relents amers de mégots oubliés sur les marches, un chewing- gum à la menthe douce terriblement sucrée, qui forme une tache molle à ma droite. Une mignonnette de porto, abandonnée sans capsule, vide évidemment, dont je perçois les effluves boisés caramélisés, de sucre non raffiné. Une canette de Coca Light, dont je reconnais la note acidulé et métallique de l’aspartame, lorsqu’il à prit un coup de chaud. Quelques marches plus bas, c’est un Orangina. Trop éloigné pour que je débusque son odeur, mais je sais que cette coquille vide émet à ce stade, un reliquat essoufflé de vomit acidulé, lointain écho de sa forme précédente, d’orange vitaminé au goût de sirop gazéifié.
Je ne devrais pas laisser mon nez traîner trop près du sol, mes idées prennent une tournure moins romantique.
Allez, zou ! Il est temps d’aller dormir…