jeudi 22 juillet 2010

Indigestions

Flatulence de la pensée
Gaz de réflexions
Ballonnement des méninges

En général, les femmes font de l’aérophagie quand elles sont soucieuses, tendues, stressées
Elles prennent du ventre. Elles gonflent, et ne rentrent plus dans leurs pantalons. Elles s’énervent, et cela n’arrange pas leur tour de taille.
Moi
Je ballonne des méninges
Je pense, et la fuite de mes réflexions encombre les circonvolutions de mon cerveau, forme un bouchon et crée l’angoisse. J’étouffe. Si ma matière grise pouvait péter un coup et ainsi me soulager, je me sentirais mieux. Un jet d’air odorant et la tension redescend.

Un pet des méninges.
Ça sent quoi ?

Le fait de s’échapper du sommet, le rend-il plus subtil et raffiné ?
Tout dépend sans doute, de la source de la rêverie et des conclusions de la rumination.

Je ne me prends pas la tête.

Mais bon.
Parfois, je me demande quel parfum se répandrait sous mon nez si le résultat de mes élucubrations mentales prenait l’air.
Un truc certainement incompréhensible et tout entortillé sur lui-même. Un bloc d’odeurs immobiles et étranglées, comme un plat de spaghettis trop cuit. Un bouquet de tulipes en saumure, une louche de petit lait, trois gouttes de miel à la rose, une once de cambouis qui tache le fond. Marmite de sorcière, j’ai oublié l’odeur étrange des escargots piétinés, et celle fade comme le cérumen, de la poussière en pelote stockée sous les meubles Ikea.

Pouf, par terre.
Splach, une tache.
Hop ! J’enjambe, et continue de dévider le fil invisible de mes spéculations…Hors d’ici.
Il pleut, ça tombe bien.


samedi 17 juillet 2010

Tout un rayon

Samedi. Jour du Caddie
Je déambule avec mon gros chariot entre les rayons, évitant adroitement un enfant funambule, un fou du roulant, un couple en guerre et une jolie fille en rollers qui court après les prix. Je rejoins après moult aventures sans intérêts, la travée qui me concerne.
Horizon arc-en-ciel, les flacons suivent des lignes de fuites parfaitement parallèles. Classés par marques, répertoriés par genre. Feu d’artifice d’odeurs, mon nez en prend plein la tête !
Au centre, les étiquettes célébrées à grand renfort de pub.
Au pied, les appels à petit prix
En haut, inaccessible, les punis du rayonnage.
Aujourd’hui, je me concentre sur les shampooings.
Je repère les petits nouveaux, je vérifie les vieux classiques, indétrônables.
Premier flacon, tout va bien. J’appuie doucement. Pouic, pouic. Un sifflement d’air, mon nez capture une signature. Fruitée poire, pomme Granny, fond musqué comme il se doit, je reconnais cette façon unique et sophistiquée d’écrire une formule qui le vaut bien. Je poursuis mon enquête et change de marque. Pouic, pouic. Celle-ci est bleue, et on retrouve également un cœur de formule, qui évoque peu ou prou une très ancienne crème cosmétique dans un pot en métal, rond et plat. Les logos moins célèbres font preuve de désordre et d’indépendance. Peu importe la signature, on croque la tendance. Hier, c'était le thé,en ce moment le raisin, demain la cerise, ensuite on verra bien.
On peut apprécier le confort « charentaises » des poids lourds du marché
On peut batifoler en « biscottes-ficelles » parmi les challengers
Le choix est vaste. Sans fin, car il se renouvelle sans cesse.
Prendre sa douche ou son bain n’est plus un acte simple d’hygiène.
Dans les années 70, un savon ramollissait sur le bord de la baignoire et s’offrait à toute la famille. On était Luxe, Palmolive, ou Monsavon.
Actuellement, notre salle de bain n’est plus assez grande pour recevoir les flacons de chacun, et les plusieurs que l’on collectionne pour le simple plaisir d’en changer selon son humeur.
Je tends la main vers une nouveauté. Pouic, pouic. Mais je presse un peu trop le tube, qui me crache un liquide visqueux sur le nez. Les risques du métier. Belle odeur de fruits rouges caramélisés, léger fond de patchouli. Je prends note et passe au suivant, et ainsi de suite, jusqu’au moment où je sature et ne vois plus rien.
Voilà.
J’ai fait mon marché et m'en retourne le chariot vide, des parfums répertoriés, soigneusement classés dans ma bibliothèque cérébrale.
Un constat des tendances
Des formules pour plus tard.


Clin d’oeil à l’équipe du Carillon qui a imaginé la définition de la Tong, chaussure internationale, comme une « Biscotte avec un bout de ficelle ».



mercredi 7 juillet 2010

Train Quotidien

File les jours. Les odeurs me glissent entre les mains.
Aujourd’hui, je prends le train. Instant volé. Je reste assise et ne peux rien faire, sinon attendre d’être arrivée. La loco avale les rails. Le paysage glisse, tandis que je me tortille sur mon siège pour trouver un creux confortable. Enfin, je m’immobilise, laissant libre champs à mes pensées. Sans interruption. Sans bifurcation. Ces dernières semaines ont été agitées. Peu de temps pour les chroniques. Encore moins de temps pour répondre aux commentaires. Le temps me manque. Impair et passe. J’en suis navrée. Maintenant, assise dans le sens de la marche, l’épaule coincée contre la vitre, le bras réfrigéré par un petit air de clim qui s’échappe des rainures inconfortables qui bordent la fenêtre, j’abandonne mon regard au décor qui défile. Scènes campagnardes, fleuve et tracteurs. Routes en pointillées, villages cartes postales.
Une tête de parfumeur est ainsi faite, qu’il réfléchit souvent avec son nez dès qu’un morceau de temps libre se manifeste. Et du coup, va mon tricot. Avec les années, je pense que j’ai usé quelques pelotes. Je renouvelle mon stock dès que je peux, j’ose de nouvelles couleurs, des associations curieuses, souvent téméraires. Parfois je loupe des mailles, et jure copieusement contre mes aiguilles qui coincent et s’emmêlent. Mais au bout du compte, le résultat est là. Mon dressing olfactif est de plus en plus étoffé et varié. Prêt à fonctionner, comme en cet instant. Le train franchit un pont. Je penche mon nez, et capture des effets brefs de lumière sur une rivière sombre et sablonneuse, bordée de roseaux et de peupliers. Cliché visuel. Converti aussitôt en molécules odorantes dans mon nécessaire à méninges. Je vous cause point de mousse et bout de ficelle, mais au-delà de cette métaphore un peu simplette, je tente d’expliquer comment fonctionne la boîte nasale d’un parfumeur. En images. Mises bout à bout, et étroitement imbriquées les unes aux autres, de façon à réaliser au bout d’une longue série de réflexions et d’essais, un parfum que vous aurez plaisir à porter. Un pull aux mailles mouvantes et colorées. Pour en revenir à mon petit tableau bucolique au bord de l’eau, relégué instantanément au loin par la course du train, mon nez s’attarde et savoure du rien. Appendice inutile, puisque seuls les effluves froids du wagon virevoltent sous mes narines. Nonobstant les relents de moquette et les parfums des voyageurs. Pourtant, ma tête est envahie d’odeurs mouillées, ombragées, minérales. Un bout de tricot s’amorce. Un croquis se dégage, et j’ébauche le début d’une formule qui peut traduire ma vision. Mon nez est à cet instant un accessoire stérile. Les odeurs sont stockées au-delà de la tuyauterie visible, dans une aire de mon cerveau, répondant à l’appel dès que le besoin s’en fait sentir, quand, et où bon me semble. Dans un train, par exemple. Sans prise directe avec la réalité odorante, située hors wagon. Les instantanés se succèdent tandis que la rame s’achemine vars la gare ou je dois me rendre. Je sens les parfums des champs de blé cuits par le soleil, la poussière soulevée par la moisson. L’eau morte d’un étang, la rouille sur les rails abandonnés. Je lève le nez et j’admire le blanc bleuté des nuages. Acétate nopyle, ethyl maltol, canthoxal, isobutyl quinoléine, acétate linalyle et acétate benzyle. Des matériaux de synthèse pour imaginer l’inaccessible...File le train. J’ai des odeurs plein la tête, et des histoires pour demain.
Pour les lectrices et les lecteurs patients, les commentatrices et commentateurs qui attendent une réponse qui tarde trop en ce moment. Merci à chacun, j’imagine aussi parfois, victime du quotidien qui file entre nos mains !