File les jours. Les odeurs me glissent entre les mains.
Aujourd’hui, je prends le train. Instant volé. Je reste assise et ne peux rien faire, sinon attendre d’être arrivée. La loco avale les rails. Le paysage glisse, tandis que je me tortille sur mon siège pour trouver un creux confortable. Enfin, je m’immobilise, laissant libre champs à mes pensées. Sans interruption. Sans bifurcation. Ces dernières semaines ont été agitées. Peu de temps pour les chroniques. Encore moins de temps pour répondre aux commentaires. Le temps me manque. Impair et passe. J’en suis navrée. Maintenant, assise dans le sens de la marche, l’épaule coincée contre la vitre, le bras réfrigéré par un petit air de clim qui s’échappe des rainures inconfortables qui bordent la fenêtre, j’abandonne mon regard au décor qui défile. Scènes campagnardes, fleuve et tracteurs. Routes en pointillées, villages cartes postales.
Une tête de parfumeur est ainsi faite, qu’il réfléchit souvent avec son nez dès qu’un morceau de temps libre se manifeste. Et du coup, va mon tricot. Avec les années, je pense que j’ai usé quelques pelotes. Je renouvelle mon stock dès que je peux, j’ose de nouvelles couleurs, des associations curieuses, souvent téméraires. Parfois je loupe des mailles, et jure copieusement contre mes aiguilles qui coincent et s’emmêlent. Mais au bout du compte, le résultat est là. Mon dressing olfactif est de plus en plus étoffé et varié. Prêt à fonctionner, comme en cet instant. Le train franchit un pont. Je penche mon nez, et capture des effets brefs de lumière sur une rivière sombre et sablonneuse, bordée de roseaux et de peupliers. Cliché visuel. Converti aussitôt en molécules odorantes dans mon nécessaire à méninges. Je vous cause point de mousse et bout de ficelle, mais au-delà de cette métaphore un peu simplette, je tente d’expliquer comment fonctionne la boîte nasale d’un parfumeur. En images. Mises bout à bout, et étroitement imbriquées les unes aux autres, de façon à réaliser au bout d’une longue série de réflexions et d’essais, un parfum que vous aurez plaisir à porter. Un pull aux mailles mouvantes et colorées. Pour en revenir à mon petit tableau bucolique au bord de l’eau, relégué instantanément au loin par la course du train, mon nez s’attarde et savoure du rien. Appendice inutile, puisque seuls les effluves froids du wagon virevoltent sous mes narines. Nonobstant les relents de moquette et les parfums des voyageurs. Pourtant, ma tête est envahie d’odeurs mouillées, ombragées, minérales. Un bout de tricot s’amorce. Un croquis se dégage, et j’ébauche le début d’une formule qui peut traduire ma vision. Mon nez est à cet instant un accessoire stérile. Les odeurs sont stockées au-delà de la tuyauterie visible, dans une aire de mon cerveau, répondant à l’appel dès que le besoin s’en fait sentir, quand, et où bon me semble. Dans un train, par exemple. Sans prise directe avec la réalité odorante, située hors wagon. Les instantanés se succèdent tandis que la rame s’achemine vars la gare ou je dois me rendre. Je sens les parfums des champs de blé cuits par le soleil, la poussière soulevée par la moisson. L’eau morte d’un étang, la rouille sur les rails abandonnés. Je lève le nez et j’admire le blanc bleuté des nuages. Acétate nopyle, ethyl maltol, canthoxal, isobutyl quinoléine, acétate linalyle et acétate benzyle. Des matériaux de synthèse pour imaginer l’inaccessible...File le train. J’ai des odeurs plein la tête, et des histoires pour demain.
Aujourd’hui, je prends le train. Instant volé. Je reste assise et ne peux rien faire, sinon attendre d’être arrivée. La loco avale les rails. Le paysage glisse, tandis que je me tortille sur mon siège pour trouver un creux confortable. Enfin, je m’immobilise, laissant libre champs à mes pensées. Sans interruption. Sans bifurcation. Ces dernières semaines ont été agitées. Peu de temps pour les chroniques. Encore moins de temps pour répondre aux commentaires. Le temps me manque. Impair et passe. J’en suis navrée. Maintenant, assise dans le sens de la marche, l’épaule coincée contre la vitre, le bras réfrigéré par un petit air de clim qui s’échappe des rainures inconfortables qui bordent la fenêtre, j’abandonne mon regard au décor qui défile. Scènes campagnardes, fleuve et tracteurs. Routes en pointillées, villages cartes postales.
Une tête de parfumeur est ainsi faite, qu’il réfléchit souvent avec son nez dès qu’un morceau de temps libre se manifeste. Et du coup, va mon tricot. Avec les années, je pense que j’ai usé quelques pelotes. Je renouvelle mon stock dès que je peux, j’ose de nouvelles couleurs, des associations curieuses, souvent téméraires. Parfois je loupe des mailles, et jure copieusement contre mes aiguilles qui coincent et s’emmêlent. Mais au bout du compte, le résultat est là. Mon dressing olfactif est de plus en plus étoffé et varié. Prêt à fonctionner, comme en cet instant. Le train franchit un pont. Je penche mon nez, et capture des effets brefs de lumière sur une rivière sombre et sablonneuse, bordée de roseaux et de peupliers. Cliché visuel. Converti aussitôt en molécules odorantes dans mon nécessaire à méninges. Je vous cause point de mousse et bout de ficelle, mais au-delà de cette métaphore un peu simplette, je tente d’expliquer comment fonctionne la boîte nasale d’un parfumeur. En images. Mises bout à bout, et étroitement imbriquées les unes aux autres, de façon à réaliser au bout d’une longue série de réflexions et d’essais, un parfum que vous aurez plaisir à porter. Un pull aux mailles mouvantes et colorées. Pour en revenir à mon petit tableau bucolique au bord de l’eau, relégué instantanément au loin par la course du train, mon nez s’attarde et savoure du rien. Appendice inutile, puisque seuls les effluves froids du wagon virevoltent sous mes narines. Nonobstant les relents de moquette et les parfums des voyageurs. Pourtant, ma tête est envahie d’odeurs mouillées, ombragées, minérales. Un bout de tricot s’amorce. Un croquis se dégage, et j’ébauche le début d’une formule qui peut traduire ma vision. Mon nez est à cet instant un accessoire stérile. Les odeurs sont stockées au-delà de la tuyauterie visible, dans une aire de mon cerveau, répondant à l’appel dès que le besoin s’en fait sentir, quand, et où bon me semble. Dans un train, par exemple. Sans prise directe avec la réalité odorante, située hors wagon. Les instantanés se succèdent tandis que la rame s’achemine vars la gare ou je dois me rendre. Je sens les parfums des champs de blé cuits par le soleil, la poussière soulevée par la moisson. L’eau morte d’un étang, la rouille sur les rails abandonnés. Je lève le nez et j’admire le blanc bleuté des nuages. Acétate nopyle, ethyl maltol, canthoxal, isobutyl quinoléine, acétate linalyle et acétate benzyle. Des matériaux de synthèse pour imaginer l’inaccessible...File le train. J’ai des odeurs plein la tête, et des histoires pour demain.
Pour les lectrices et les lecteurs patients, les commentatrices et commentateurs qui attendent une réponse qui tarde trop en ce moment. Merci à chacun, j’imagine aussi parfois, victime du quotidien qui file entre nos mains !
Ah le train.
RépondreSupprimerC'est le seul endroit où je suis capable de deviner le contenu d'un sandwich à l'autre bout du wagon grâce à l'odeur qui circule plus vite et en circuit fermé.
imagine à la fin du trajet, quand tout le monde à déballé son déjeuner et son goûter...Paris/Nice devient une orgie olfactive !
RépondreSupprimerTrès jolie évocation ! cela me fait penser au musicien qui déchaîne un orage ou une bataille dans sa tête, sans écrire une note sur le papier, en entendant sa composition prendre vie dans son cerveau, aussi secrètement et mentalement que ce parfum qui commence à naître dans le vôtre.
RépondreSupprimerC'est aussi tout le travail du conteur qui fait naître des images par évocation sensorielle et les fait passer à ceux qui l'écoutent par le seul biais de la parole...
Chacun exploite son instrument.
Pas mal, l'idée du wagon orgie. A suggérer à ID TGV...
RépondreSupprimerBonjour Kimoni,
RépondreSupprimerOui c'est exactement cela : une mélodie dans la tête que l'on dépose ensuite sur le papier.
Bonjour La Flore,
RépondreSupprimerJ'ai des doutes...ils sont tellement en retard !
Je découvre ton blog! Je suis bien contente! Il est très (très) sympa! Je t'ajoute de suite à ma blogroll!
RépondreSupprimerTrès jolie évocation. J'ai tendance à préférer les trains un peu anciens que ceux qui sentent trop fortement la colle à moquette ou les produits d'entretien. C'est aussi très étonnant de voir défiler les paysages par la fenêtre : on voit des tas d'odeurs qu'on ne sent pas, en fait...
RépondreSupprimerhttp://davidikus.blogspot.com
Merci pour ton ptit message! ;)
RépondreSupprimerHi, Céline!
RépondreSupprimerIn my childhood, I always liked how rails and sleepers smell: warm machine oil yet fresh, a bit metallic, a bit woody...i don't remember entirely, but it's always been fascinating!
Bonjour Céline,
RépondreSupprimerC'est joli l'image du tricot, je n'y avais pas pensé.Les trains sont beaucoup plus asseptisés maintenant que les voyages sont plus courts. Je me rappelle, étudiante faire Orléans Paris avec des voyageurs qui remontaient du Portugal avec des poulets vivants. Très dépaysant!
Bonjour Davidikus,
RépondreSupprimerSans doute chaque trajet possède une odeur ?
Vers le Nord, vers le Sud...je me souviens des vieux trains compartimentés, où les gens s'enfermaient pendant le trajet. Valise rangés dans les filets, et odeurs autour de nous de plus en plus denses !
Hello Alex,
RépondreSupprimerNot very natural fragrances ! ;)
But I agree with you, I like them also, very abstrac, mineral and strange. Sometimes it's very difficult to describe !
Bonjour Alice,
RépondreSupprimerLa vie devient très réglementée, je ne suis pas sure qu'aujourd'hui on a le droit de se promener avec des poulets dans le train. Je ne sais s'il faut le regretter pour l'odeur ou pour le bruit ?!
A vrai dire je ne regrette pas trop!le mélange était un peu trop asphyxiant: sandwichs à la charcuterie, poulet, sueur! plus le bruit effectivement; celui des poulets et des hommes!
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