À petits pas, je gravis la crête du demi-siècle.
Je ne peux pas affirmer que je l’ai escaladée les doigts dans le nez.
Petite chronique, pour les femmes qui évoluent dans l’univers de la
parfumerie, et pour ma fille qui me pose de nombreuses questions.
Petite chronique, en souvenir de cet homme grand et fort, comblé par son pouvoir, mon patron, qui me demanda lors d’un déjeuner, mon âge. La
question, posée d’un ton léger entre deux bouchées ne me choqua pas. Après tout,
j’étais une femme moderne et je me fichais bien de n’être déjà plus une
jeunesse. Fière de mes rides et de mon passé.
- 42 ans.
- Et vous n’avez encore rien signé ?
- Pardon ?
- Oui, aucun parfum de marque, griffé et célèbre ? Après 40 ans, c’est
foutu, vous savez ? Vous êtes déjà trop vieille.
Petit sourire satisfait de sa trouvaille, penché sur son assiette, il
tranche son steak.
Muette, j’ai laissé passer quelques bouchées.
Lorsque je suis énervée, j’ai faim. Ça tombait bien, je dévorais une
tartiflette, et la patate c’est bien connue, absorbe les ondes de colère.
J’ai pensé à toutes mes consœurs, femmes de métier et en même temps,
mamans, amantes et copines, de courses et de ménage.
J’ai pensé à toutes ces jeunes filles qui débutent dans ce merveilleux métier et
qui découvrent des chausses trappes.
Combien de jeunes hommes j’ai vus débouler, avec ou sans diplômes, dans
nos bureaux, aussi naïfs et créatifs que les filles et qui pourtant, sans
encombre ou presque ont franchis les étapes du parfumeur et nous ont laissé en
plan. Hop ! Loin devant les garçons ! Quand l’un découvrait la
parfumerie à New York, nous étions nombreuses à devoir partir en Allemagne pour
réapprendre notre métier auprès des anciens. Pour autant, j’ai beaucoup appris
à « Holz-City » et je ne regrette rien. Mais il m’a fallu des années
pour apprécier à sa juste mesure ce détour, et comprendre que j'avais transmué la punition.
Mastication. Silence. Une gorgée de vin ou d’eau, je ne sais plus.
Serviette caresse sur mes lèvres. J’ai libéré ma parole.
- En gros, si j’abonde dans votre raisonnement : jeune
diplômée enthousiaste de l’ISIPCA je ne possédais aucune expérience et j’avais tout à
apprendre, mais malheureusement pour moi, jusqu'à 35 ans je pouvais tomber (ouïlle!) enceinte à tout
moment, et enchaîner les congés maternité. Enfin, depuis mes 40 ans, je ne vaux
plus rien, car je suis vieille et dépassée. Donc, logiquement j’ai eu 5 années,entre 35 et 40 ans, pour tout réussir. Vous avez raison, j’ai totalement raté ma carrière de
parfumeur !
À ce moment, j’aurais aimé le planter là, lui et son assiette pas tout
à fait vide et quitter le restaurant. Je n’ai pas trouvé ce courage...et puis, je
me suis fait la réflexion que ce n’était pas utile. Il n’était pas le premier responsable à critiquer ma féminité. Et je n’étais pas la première femme aux prises
avec le machisme professionnel.
Petite chronique particulière d’une femme parfumeur qui frôle le
demi-siècle, dont vingt-cinq années d’apprentissage.
Bien sûr, nous sommes plus nombreuses qu’autrefois. Mais combien sommes-nous libres et indépendantes ? Combien d’entre nous sont considérées artistes à
part entière, même au sein de l’entreprise ? Ne soyez pas uniquement de
bonnes élèves, soyez d’abord vous-même. Inventez-vous et, surtout, surtout et avant tout : restez so-li-daire ! Mes meilleurs souvenirs
parfums sont ceux que j’ai imaginés et crées auprès d’autres femmes parfumeurs.
Sans elles, je n’aurais jamais persévéré.
PS: Pour Josiane, Elke, Fabienne et Virginie, pour Christine, Patricia et Céline, et des hommes bien sur, Christophe, Raphaël, et d'autres dont j'ai oublié le prénom malheureusement, mais point les visages, pardon, pardon,...car bien évidemment, même si je pique ma crise féministe, actualité oblige certainement et bavardage récent également, ce serait dommage que nous poursuivions chacun de notre côté.
PS: Pour Josiane, Elke, Fabienne et Virginie, pour Christine, Patricia et Céline, et des hommes bien sur, Christophe, Raphaël, et d'autres dont j'ai oublié le prénom malheureusement, mais point les visages, pardon, pardon,...car bien évidemment, même si je pique ma crise féministe, actualité oblige certainement et bavardage récent également, ce serait dommage que nous poursuivions chacun de notre côté.