mercredi 31 mars 2010

Laos : bus et tuk tuk 1

Bus, tuk-tuk et vélo pour avaler des kilomètres de routes sinueuses, souvent poussiéreuses. La terre au Laos est d’une belle couleur rouille sombre. On la retrouve partout lors de la saison sèche. Sur les arbres, les véhicules, dans les maisons et sur soi, au bout de quelques instants de marche à pieds, de quelques secondes en déambulant à vélo. Pas d’odeur particulière, si ce n’est une sensation minérale et brûlante, et le symbole coloré de l’immense variété de parfums que j’ai rencontré pendant ce parcours depuis le Nord du pays vers la région des 4000 îles au Sud.
Dès le premier jour nous dégainons notre guide touristique qui épluche en long et en large les meilleures astuces pour appréhender les différents moyens de locomotions et leurs singularités. Imprégnées encore de nos repères Européen et peu désireuses de plonger immédiatement dans la formule « total roots », nous optons à notre premier ticket pour la version « VIP », nommé ainsi pour son confort principalement destiné aux étrangers qui ne peuvent apparemment pas se passer d’une télévision, de l’air conditionné, et de toilettes modernes munies de papier hygiénique. Nous avisons dès cet instant que les arguments récurrent et parfaitement traduit en anglais pour séduire et accueillir les touristes dans les établissements ou à bord des transports, sont la télé et la qualité des WC…
Comme chaque fois que nous nous déplaceront d’une ville à l’autre, nous débutons par un petit trajet préalable en tuk-tuk pour rejoindre la gare routière, version shaker pétaradant, où j’avale stoïquement une belle quantité de particules rouges, car la majorité des routes sont des pistes. En chemin, j’attrape par hasard et pour mon plus grand plaisir cette merveilleuse odeur de fleur d’oranger, petite amie familière, qui vient taquiner mon nez depuis notre arrivée sans que je parvienne jusqu’à présent à débusquer son origine. Je regarde à l’entour, le paysage défile rapidement entre deux nids de poule, mais je n’aperçois aucun buisson ou arbre qui pourrait m’expliquer la raison de cet effluve délicat. Par contre je remarque dans notre sillage, un tout petit garçon debout, agrippé derrière le tableau de bord du scooter et retenu par les cuisses de sa maman, qui grimace d’une façon éloquente et tout à fait semblable à celle d’un enfant occidental : nez plissé, visage chiffonné accompagné d’une petite toux. Notre véhicule crache effectivement une fumée épaisse, noire et âcre au fort parfum de caoutchouc et de graisse brûlée !
En nous hissant à bord du car, nous tombons de haut. Sièges grisâtres défoncés et labourés par les innombrables trajets, fenêtres décorées de rideaux vert pistache enjolivés de pompons de couleurs. Climatisation violente, diffusée par des conduits sans obturateur. Pas de toilettes, et une télévision aveugle. Mais comme nous le découvriront plus tard, remplacée joyeusement par la diffusion radio des voix tonitruantes déformées par les parasites, des chanteurs populaires dont les refrains seront repris en cœur par les voyageurs. Je cherche dans mon large sac approvisionné en « au-cas-zou », un sachet plastique et, tandis que je tente de museler la bouche largement ouverte de la clim. qui glace mon nez et mon front, je laisse traîner un nez curieux au passage des personnes qui s’installent. Aucun parfum sophistiqué. Pas de déo. Pas d’eau de toilette griffée top 50 des meilleurs ventes. Juste des traces sucrées de nourritures, et amères de poussières anciennes. Les gens sentent naturellement bon. Seul, les tissus fatigués et le plastique qui revêt les sièges et couvre sols et cloisons sont imprégnés d’une multitude de traînées invisibles et rances. Le car tremble de tous ces boulons et rouages, soupir bruyamment et trouve la force de s’arracher de sa place de stationnement. En route Simone ! Comme clame ma fille enthousiaste en déformant les expressions.
Je ne vous conte pas en détails les 5 heures de trajets à travers la campagne Laotienne. Impossible d’ouvrir les fenêtres pour aspirer l’air des champs. En revanche je découvre amusée, les hoquets nauséabonds d’un car fatigué et persévérant lors des grimpettes sur les routes étroites de montagnes et quelques relents monotones et entêtant capturés par la ventilation, lors de notre passage aux abords des villages. Je comprends enfin pourquoi l'atmosphère de Luang Prabang est d’un blanc opaque et pour quelle raison il embaume la ouate un peu amère. Je pensais que la chaleur et l’humidité en était la principale raison, or nous traversons un paysage lunaire et gris, où quelques flammes achèvent de mourir sur les bas cotés, dégageant une fumée légère et blanche : les paysans brûlent leurs champs afin de nettoyer et fertiliser leurs terres. Au cours de ce long trajet, je conserve en permanence au cœur de mon nez la marque caractéristique de la cendre froide et de la sève surchauffée, ponctuée par le relent étrange des freins du bus qui régulièrement grincent et surchauffent, libérant un parfum de compote de rhubarbe sans sucre, parsemée de pop corn.
Nous comprenons également avec un sourire indulgent pour notre candeur de vacancières, que la marque VIP est une séduisante suggestion de présentation non contractuelle. A l'avenir nous opteront pour le bus populaire tout simplement...

A suivre…






samedi 27 mars 2010

Laos : confusions

Naïve et pleine de bonne volonté, les narines déployées et l’esprit en éveil malgré les nombreuses heures de vols -- mon carnet vierge de notes et soigneusement rangé dans la poche extérieure de mon sac afin de l’attraper rapidement, mon stylo prêt à dégainer -- je traverse le tarmac de l’aéroport de Luang Prabang et je suis déconcertée. Je décèle uniquement une chaleur puissante et moite. Ce n’est point mon nez qui fait cette découverte, mais ma peau, qui réagit très rapidement.
Je ne sens rien. Quelques filigranes d’informations, fugitives et furtives. Incompréhensibles. Je commence même à penser : ça ne sent pas bon…Mince alors, je boude. Aucun effluve de paradis ne m’accueille, comme n’importe quel touriste qui débarque reçoit un collier de fleurs odorantes autour de son cou, gracieusement offert par des mains fines et dorées. J’espère de l’authentique, une révélation, un enchantement. Je compte sur une surprenante découverte, tel un Colomb de l’olfaction ! Mais non. Je dois me faire une raison. Tout est normal et, très chaud.
Perplexe, et résignée, je prends le chemin de l’hôtel, à bord d’un mini-van où sévit la fureur de l’air conditionné. Première d’une longue série d’expériences fulgurantes et déconcertantes, de transfert d’une ambiance sèche-linge pour un climat congélateur ventilé. Pas d’effluves caractéristiques dans cet habitacle étroit malgré toutes les figurines de Bouddha ventru, les rubans de vœux aux couleurs vives, et les minuscules marionnettes perchées sur ressorts qui balancent, au rythme des nombreux cachots de la route, leurs bras maigrichons chargés d’offrandes inodores.

Pas de panique.
Le Laos évidement offre une multitude de parfums, de senteurs et de miasmes parfois déroutant. Cependant il faut bien l’avouer, toutes ces odeurs simples ou complexes ne m’ont pas été livrées sur un joli plateau chamarré, assorties d’étiquettes explicatives dès l’instant où j’ai foulé le sol. J’ai du faire preuve de patience.

Aux premiers jours, toutes les données qui défilent entremêlées sous mon nez n’expriment pas grand chose, excepté celles qui piquent l’atmosphère aux heures des repas. Indices basiques, repères fondamentaux, réflexe de bestiole : je passe à table et les saveurs sont à la hauteur des effluves identifiées.
Petit à petit, au fil des journées invariablement chaudes et humides, je perçois quelques soupirs. Je tends le nez et je saisis un rythme. Attentive et silencieuse, je découvre une mélodie qui revient souvent en boucle. J’appréhende une identité et des nuances. Finalement je perds de vue ma bibliothèque à jugeote, garnit des nombreux tiroirs où sont archivés mes références d’occidentale. Je commence à collectionner quelques paniers tressés, pour composer avec la couleur locale, dans lesquels je dépose mes nouvelles rapines.
Mon nez vidangé mode Asie, mes curseurs réglés mode chaleur, ma boite à méninges assemblées mode légo...Je peux débuter ma récolte, fourrager dans mes nouveaux paniers, et partager quelques instantanés subjectifs.
En résumé et dans le désordre :

Le Laos sent la ouate, le bois caramélisé, la fleur des plages.
Le Laos sent les grillades, l’ail, le poisson-pipi
Le Laos sent l’eau, la vase, la mélasse métallique

La terre, les gens et le Fleuve pour l’essentiel, au cœur d’un chaudron de poussière couleur de rouille, de cendre grise et de pots d’échappement pétaradant !
Et des moments inévitables où l’occident se rappelle à ma mémoire…les taxis, la pollution, les déchets, l’aéroport, la lessive









jeudi 25 mars 2010

De retour...du Laos

Pays serein.
A l’abri des flots touristiques, loin de l’agitation sans raison, le Laos est encore protégé de nos habitudes occidentales. J’y ai perdus mes repères. J’ai découverts des odeurs simples, ordinaires, et plaisantes. Mon métier de parfumeur est totalement inconnu dans ce pays. Il ne sert à rien. Il n’existe pas. J’ai trouvé cette situation reposante. Momentanément. Pourtant n’allez pas penser que la parfumerie n’existe pas. Elle est très présente dans la savonnerie. Le quotidien utile. Importée de la Thaïlande ou de la Chine. Des parfums de synthèse sans doute crées et fabriqués en France…mais peu importe.
Je ne me suis pas attardée au Laos pour évoquer la parfumerie industrielle dans les régions asiatiques. Je vous propose si vous le voulez bien, de m’accompagner à la découverte olfactive de ce doux pays ; sans préjugé, sans opinion politique ou humanitaire. Juste un nez curieux. Quelques zooms sur des odeurs caractéristiques, quelques clichés aussi sur les habitudes, quelques flous sur des inconnus, des tentatives pour apprécier ce que notre nez occidental juge négatif.
Pas d’images. Pas de prise de vues figées, mais des mots et des volutes abstraites, mouvantes et éphémères, pour laisser parler votre propre imaginaire.
Pas de guide culturel enrichit de descriptions pratiques. Pas d’itinéraires, mais un cheminement crée par le hasard des courants d’air et du paysage. Des thèmes odorants sans dates ni lieus, ou presque…juste pour éviter de se perdre tout à fait !
Par quel bout de nez je vais commencer ?