samedi 20 février 2010

Interlude 5

Interruption momentanée du programme pour raison voyage par delà les horizons, où la connection n'existe pas. nez en pause et absorbtion de nouvelles effluves étrangères.

Retour sur les ondes à volutes le 26 mars. Plus ou moins.

A tout bientôt.

Merci de votre lecture, et pour vos remarques in ou out de ce blog ;)

lundi 15 février 2010

Escalier 2

Sans ascenseur
Cinq étages. C’est partit.
Escalier en courbe
Serpentin de bois ciré. Miel, vieille graisse amère, mirabelles en compote.
Marches creusées, usées
Par les semelles des précédents locataires.Poussière minérale, cacahuète, laine feutrée.
Je grimpe chez moi.
Découvre à chaque palier, progressivement, comme on tourne la page d’un bouquin pour un nouveau rebondissement
Une odeur de cuisine
Des habitudes.
Un legs ou une transmission
D’ici et d’ailleurs.
"Fusion food"
A chaque étage, les arômes s’en mêlent.
Rez-de-chaussée
Rue et hall d’entrée.
Goudron, pluie de fin de journée. Café d’à coté. Chaud, âpre, métallique.
Boite aux lettres. Encre et papier recyclé, doux, sucré.
Paillasson foin séché, chargé d’urine acidulée pêches rôties, du chat; boue humide, douceâtre, des caniveaux.
Premier palier.
Couscous du vendredi
Farine souple, vapeur chaude, cumin transpiration, légumes confis, cannelle douce, mouton fade, poivré, cheveux gras, cuir mouillé.
Second étage.
Poisson
Papillote micro-onde. Eau tiède. Tranche de citron aux éclats d’aluminium chaud. Herbes anisettes et bois fenouil. Aigre, collant, poil de chien mouillé, coquille d’huitre.
Troisième
Rien.
C’est trop tôt ou trop tard. Demain peut-être, si le beau célibataire est rentré chez lui.
Quatre.
Famille nombreuse
Gratin gratiné. Fromage croustillant, sensation de sueur chaude, tongs fatigués et vieilles chaussettes d’adolescent. Lait bouillit + Ail. Vomit de bébé, poisseux, aigre. Trace de Caramel sur une cuillère en bois : gouttes, débordement sur la plaque du four.
Cinquième. Enfin chez moi.
Petits lardons de mon voisin. Poils grillés à la bougie, allumette, noisettes torréfiées, sirop de gras, groseilles et cassonade.
J’ouvre ma porte. J’entre
Odeur de mon antre.
Je me reconnais.
Une tasse de thé, je n’ai plus faim pour le moment.
Un dessert peut être ?


lundi 8 février 2010

Toubib

Je ne sais plus du virus ou du microbe.
Nous voilà ma fille et moi à contempler le lino granit de la salle d’attente d’un cabinet médical, attendant notre tour d’auscultation. Et d’une bénédiction sur ordonnance.
Ce pourrait être n'importe où. Un lieu de patience et de miasmes partagés, comme on en rencontre dans chaque ville ou village, certifiée par une odeur reconnaissable entre toutes, qui confirme notre état de mauvaise santé, ou celui de nos proches. A l’époque où j’ai pris ces notes, nous étions en pleine guerre contre la grippe mutante du moment et, dès la cage d’escaliers les relents des désinfectants, effluves amers et piquants, vous happaient entre leur rais invisibles et familier, déclenchant une brusque envie de tourner les talons. Quelques masques chirurgicaux étaient offerts gracieusement à l’entrée, disposés en colonne dans un plateau en métal pour les malades suspects. J’ai faillit en prendre un, pour protéger mon conduit olfactif…
Plusieurs médecins se répartissent l’étage, tandis que les patients partagent une pièce commune. A chaque nouveau venu, c’est l’occasion d’échanger un sourire compatissant, parfois une grimace, suivit d’une toux vite réfrénée, des chuchotements brefs pour tenter de calmer un enfant agité, ou de gros soupir résignés quand le temps devient trop long. Le parfum chaud des antiseptiques virevolte entre nous, fauchant les vilaines humeurs contagieuses échappées de nos corps affaiblis. Je tente d’oublier les lieux, et les personnes présentes. Je me concentre uniquement sur l’odeur. Je ferme les yeux et respire tranquillement les nuées impures. La première image qui me vient à l’esprit est surprenante. Celle de savoureux petits crottins de chèvres toastés, saupoudrés d’herbes aromatiques comme le thym, le serpolet, ou la marjolaine. Seconde image brève et instantanée, celle d’une pizza aux quatre fromages. Dois-je en conclure que mon estomac à une influence sur l’identification des relents toxiques qui circulent sous mon nez ? Pourtant l’heure du déjeuner est encore loin, et mon ventre ne crie pas famine ! L’explication doit être plus subtile. J’essaie de comprendre pourquoi mon cerveau affiche des images de fromage gratiné et d’herbes de Provence, à mon nez ahuri. Progressons plus avant dans le découpage des séquences savoureuses. Je repousse mentalement, genre feuilleton SF de seconde zone, tous les bruits de fonds qui floutent les détails ténus. Exit le relent fade et poussiéreux du sol plastifié, le fumet sucrée des fauteuils en cuir, badigeonnés de la sueur des milliers de générations de malades successifs. Sont également identifiés, puis soustrait du décor ambiant, la mélodie agréable du parfum fleuri aldéhydé porté par cette dame en face de moi et, l’after-shave fougère basique, du monsieur sur ma droite. Je me concentre uniquement sur quelques miasmes, types électrons libres, qui gravitent et s’entrechoquent dans un espace plus large. En quelque sorte, je mets de coté les eaux de toilette dont l’écriture harmonieuse ressemble à une autoroute d’informations, les monuments souvent visités, que sont l’odeur du linoléum et du cuir usé, et j’interroge les fragments insolites, isolés sur les routes de campagnes… Voilà c’est là. Discret mais tenace. Métallique et chaud. Frais et vivifiant. J’identifie les molécules d’eugénol, de menthol et de camphre. Je devine aussi quelques crésols et l’acidité du bicarbonate de soude. Effectivement, je comprends mieux cette tenace caricature décalée, d’une restauration à l’Italienne ! L’eugénol, marque de fabrique des dentistes et désinfectant notoire, évoque l’odeur chaude et fumée du clou de girofle, de certaines charcuteries. Le menthol, provient sans doute de quelques soins dentaires parfumés. Il symbolise le dentifrice, le chewing-gum et la pastille pour la gorge, la fraicheur propre d’un lieu ventilé. Le camphre, petit mais costaud, est l’universel de l’antiseptique naturel pour traiter le rhume, la toux, la crampe, sous la forme de crèmes, d’onguents, de spray, de sirop, bref, tous les moyens mis à notre disposition, pour nettoyer, dégager, ventiler notre tuyauterie buccale et nasale, ou réchauffer nos muscles engourdis. C’est également, un élément indispensable de la fiche d’identité de la plupart des herbes aromatiques et épices. Le crésol est un ami qui vous veut du bien, même si son parfum laisse perplexe. Odeur de cambouis, de carbonisé, de cirage, de chien mouillé, de graisse pour les cuirs, de crotte de mouton, de goudron….une odeur noire et or, car séduisante également. Elle provient certainement des savons bactéricides employés pour assainir les sols, et les instruments de travails qui ne nécessitent pas une stérilisation. Certains antiseptiques non alcoolisés possèdent également cet étrange remugle à la fois cracra et fruité, de miel de forêt tiédit. Le bicarbonate de soude se rapproche de l’odeur aigrelette du fromage fondu : mélange de sueur un peu acide, légèrement salé et, peau d’anim,al avec de longs poils. Voilà comment un parfumeur envisage une pizza aux herbes aromatique et fromages variés. Je vous l’accorde en l’état, débité en miettes olfactives, cela n’a rien de bien appétissant !
Mais pour un lieu dédié aux malades en demeure je trouve que ce n’est pas trop mal…distrayant en tout cas.
La porte s’ouvre et le nez du médecin apparait, souriant et interrogatif. Nous nous levons prestement ma fille et moi, tandis que je rassemble nos affaires. J'abandonne la pizzeria derrière nous, et franchis une nouvelle démarcation parfumée composée de poudre à récurer, de solvant, de plastique chaud et d’arôme de fraise tagada. Bof. Mais je ne peux en dire plus, car le médecin passe à l’action et je dois me concentrer sur des explications beaucoup plus pragmatiques.