La célébration bouclée, un couple de nouveaux mariés apporte la semaine suivante le linge de noces au pressing.
Madame, ses beaux cheveux bruns grossièrement retenus en chignon à l’aide d’un crayon, est simplement vêtue d’un marcel gris et d’une jupe informe. Elle est chaussée d’une paire de tongs avachies. Monsieur, en bermuda efflanqué et t-shirt floqués, est chaussé d’une paire de sandales à lanières velcro. Souriant, ils déposent sur le comptoir du magasin, un immense sac de toile beige. Font glisser l’interminable fermeture éclair et extirpent délicatement à quatre mains, avec des gestes tendres, une lourde robe blanche brodée de mille et une perle, puis un costume complet aux tonalités cacao.
Silencieux, ils attendent le verdict de la commerçante.
Celle-ci empoigne sans hésiter la robe à pleine main, la secoue et l’élève à bout de bras à hauteur de son visage. Elle fait la moue : « Il a plu samedi, n'est-ce pas ? Je vais avoir du mal à ravoir la trace noire et grasse de l’ourlet, sur le bas de la jupe…c’est terrible le goudron mouillé »
Agite la robe une seconde fois
Un vestige de parfum féminin éclabousse le seuil du magasin, comme des grains de riz lancés à la sortie de l’église : sucre filé, groseilles au sirop, musc fouetté, vanille meringuée et filaments de patchouli.
La dame repose l’énorme robe sur le comptoir et tapote par habitude le tissu ballonné. L’air s’échappe d’entre les plis. Dans un ultime soupir, le vêtement abandonne aux émanations offensives des lessives, des détachants et des vapeurs de fer, en ce lieu voué à bouloter la puanteur et la saleté, le résidu d’une journée de liesse : le voile d’un parfum de marque, la traine d’une odeur de paraffine et d’herbes à bitume.
C’est au tour du costume couleur ganache au chocolat d’être décrypté par l’œil aiguisé de la toiletteuse.
« C’est bien, vous avez évité les taches de sauces, parce que celles-là… » La commerçante n’en dira pas davantage, mais on devine qu’on lui évite quelques complications.
Fait étrange, la veste, le gilet brodé ton sur ton et la cravate assortie ne dissimulent aucune volute de parfum griffé. Pourtant, les mains professionnelles s’emploient à retourner chaque pièce dans tous les sens, à en vider les poches. Mais rien. Pas une miette.
C’est sans compter la chemise, hachurée de gris à l’encolure et aux coutures des épaules. Tel un drapeau, le tissu claque au vent dans le ciel du pressing. Soudain, toute la souffrance stoïque et le bonheur frénétique du marié est exposé: une majestueuse odeur de transpiration déferle dans la boutique! D'emblée , on visualise l'interminable journée de l'homme, confiné dans son costume trois-pièces sous un soleil de plomb ; puis sa nuit prolongée, déchainé sous les rythmes endiablés . Personne ne moufte. Tout le monde sourit gentiment aux jeunes mariés. Ils se tiennent la main et, sur leurs annulaires, on remarque l’or rutilant de leurs alliances neuves. Pures et sans rayures.
Madame, ses beaux cheveux bruns grossièrement retenus en chignon à l’aide d’un crayon, est simplement vêtue d’un marcel gris et d’une jupe informe. Elle est chaussée d’une paire de tongs avachies. Monsieur, en bermuda efflanqué et t-shirt floqués, est chaussé d’une paire de sandales à lanières velcro. Souriant, ils déposent sur le comptoir du magasin, un immense sac de toile beige. Font glisser l’interminable fermeture éclair et extirpent délicatement à quatre mains, avec des gestes tendres, une lourde robe blanche brodée de mille et une perle, puis un costume complet aux tonalités cacao.
Silencieux, ils attendent le verdict de la commerçante.
Celle-ci empoigne sans hésiter la robe à pleine main, la secoue et l’élève à bout de bras à hauteur de son visage. Elle fait la moue : « Il a plu samedi, n'est-ce pas ? Je vais avoir du mal à ravoir la trace noire et grasse de l’ourlet, sur le bas de la jupe…c’est terrible le goudron mouillé »
Agite la robe une seconde fois
Un vestige de parfum féminin éclabousse le seuil du magasin, comme des grains de riz lancés à la sortie de l’église : sucre filé, groseilles au sirop, musc fouetté, vanille meringuée et filaments de patchouli.
La dame repose l’énorme robe sur le comptoir et tapote par habitude le tissu ballonné. L’air s’échappe d’entre les plis. Dans un ultime soupir, le vêtement abandonne aux émanations offensives des lessives, des détachants et des vapeurs de fer, en ce lieu voué à bouloter la puanteur et la saleté, le résidu d’une journée de liesse : le voile d’un parfum de marque, la traine d’une odeur de paraffine et d’herbes à bitume.
C’est au tour du costume couleur ganache au chocolat d’être décrypté par l’œil aiguisé de la toiletteuse.
« C’est bien, vous avez évité les taches de sauces, parce que celles-là… » La commerçante n’en dira pas davantage, mais on devine qu’on lui évite quelques complications.
Fait étrange, la veste, le gilet brodé ton sur ton et la cravate assortie ne dissimulent aucune volute de parfum griffé. Pourtant, les mains professionnelles s’emploient à retourner chaque pièce dans tous les sens, à en vider les poches. Mais rien. Pas une miette.
C’est sans compter la chemise, hachurée de gris à l’encolure et aux coutures des épaules. Tel un drapeau, le tissu claque au vent dans le ciel du pressing. Soudain, toute la souffrance stoïque et le bonheur frénétique du marié est exposé: une majestueuse odeur de transpiration déferle dans la boutique! D'emblée , on visualise l'interminable journée de l'homme, confiné dans son costume trois-pièces sous un soleil de plomb ; puis sa nuit prolongée, déchainé sous les rythmes endiablés . Personne ne moufte. Tout le monde sourit gentiment aux jeunes mariés. Ils se tiennent la main et, sur leurs annulaires, on remarque l’or rutilant de leurs alliances neuves. Pures et sans rayures.
Et vive la centième chronique olfactive ! sans perlouze, mais quelques gouttes de sueurs....
Eh bien, moi qui me suis mariée cette année, j'étais loin de me douter qu'en apportant nos tenues de fête au pressing, autant de secrets en seraient dévoilés :p
RépondreSupprimerFélicitations pour cette centième note ! Je suis ton blog depuis ses débuts avec toujours autant de plaisir, même si je ne commente pas régulièrement... Vivement les cent prochaines chroniques !
Bravo pour la centième.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup le musc fouettés. On en mangerait!
RépondreSupprimerBonjour Bellevillechick,
RépondreSupprimerMerci et Félicitation !! Vive la mariée :)^
C'est le problème avec les parfumeurs....ils posent leurs nez partout et remarque des détails étranges...simple curiosité sur le sujet que je préfère: les habitudes des gens
Coucou Mosieur Vinvin et merci !
RépondreSupprimerBonjour Alice,
RépondreSupprimerAh ! si tous les muscs dans les parfums pouvaient être aussi léger, léger, leger...;)
Félicitation pour la centième!
RépondreSupprimerJe prends toujours autant plaisir à te lire (même si j'ai parfois du mal à le faire régulièrement et que mes commentaires sont rares!)
Nous n'avons jamais fait ce déjeuner que nous nous étions promis...
Seras-tu là jeudi prochain?