lundi 4 octobre 2010

Les marqueurs

Comme d’habitude, je m’éveille au son de la radio. Le bourdonnement coutumier accompagne ensuite le petit déjeuner, les rubriques des journalistes ponctuent l’écoulement des minutes offrant des points de repère, afin que nous soyons chacun vêtus, brossé, débarbouillé, à l’heure juste, près à entamer notre journée. Ce matin, mon attention est soudain attrapée par un mot sensible : odeur. J’interromps mes activités et prête une oreille attentive au commentaire. Le reportage concerne l’entrainement des chiens policiers à mémoriser, puis reconnaitre l’odeur du « méchant » sur le lieu d’un crime. Évidemment, les méchants ne développent pas une odeur caractéristique, mais chaque individu possède sa propre identité olfactive, telle une empreinte digitale. Les chiens font la distinction. L’homme, non. Enfin, sauf dans notre entourage immédiat et familier. Je connais l’odeur spécifique de mes enfants, celle de mon compagnon, de mes parents… Mais je ne suis pas informée de celle de mon épicier. Sauf s’il devient mon amant, mais ceci est une autre histoire sur laquelle je ne souhaite pas m’attarder, je ne désire pas avoir d’ennui avec mon cher et tendre. Ainsi, je peux reconnaitre en aveugle un proche par l’odeur de sa peau. Mais je n’identifie pas une simple relation, un collègue de bureau par exemple. Je ne parle pas de parfum, mais bien de l’odeur de notre épiderme. Les chiens en revanche, détiennent la capacité de repérer et stocker des centaines de marqueurs odorants de personnes inconnues. On leur fait renifler un tube dans lequel a été conservé l’odeur du malfrat, et hop, hop, petit trot, le voilà qu’il vous conduit dans l’antre du criminel. Ah, ah, pris en flagrant délit de suer !
Avec un peu d’entrainement un parfumeur pourrait-il…, non, vraiment, aucun intérêt. J’abandonne toutes élucubrations idiotes. Sinon, pour en faire un personnage de roman policier.
Imaginons un type, genre Cyrano, nez en chaloupe, qui ramasse et écope tout ce qui lui passe sous le blair. Mains dans le dos, visage courbé, il hume les humeurs des victimes, des protagonistes, renifle l’ambiance, l’atmosphère des lieus. Il note une odeur de peau séchée sous les ongles laqués de la standardiste, un reste de lait caillé sur le chemisier de la belle mère, qu’il découvre également sur la moquette où git la victime. Il remarque et identifie une odeur puissante de whiskey 20 ans d’âge, qui s’échappe d’un verre renversé sur le bureau, mais dont les lèvres de la victime ne sont pas humectées, et paf ! Le coupable est le duo secrétaire/belle-mère. Explications. La standardiste a ébouillanté jusqu’au sang le pov’ type en trébuchant malencontreusement sur le tapis, en lui apportant son café du matin. Prise de panique, elle a tenté de sécher avec un kleenex, son patron. Mais de minuscules lambeaux de peaux ont été arrachés, et le derme a glissé sous ses ongles. Tandis que la belle-doche ravie de se débarrasser de cet homme encombrant a aussitôt réagi, et camouflé l’affaire en un vulgaire accident d’alcoolisme.
Bon, je sais, tout ceci ne tient pas très bien la route: il est difficile de tuer quelqu’un avec un café au lait chaud. Mais bon. C’est une tentative pour planter le décor. Les premiers pas d’un nouveau personnage dans le monde étrange des marqueurs invisibles…

3 commentaires:

  1. Coucou! Merci beaucoup pour ton message! Alors, on se la fait cette interview? ;) Bisous!

    RépondreSupprimer
  2. Je vois là matière à une série de romans... peut-être pas un parfumeur "normal" mais un phénomène à la Grenouille mâtiné d'Experts. Pas d'ADN mais des traces olfactives... un vrai potentiel. Et vous en avez clairement le talent d'écriture.

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour RVT,
    J'ai commencé un truc...je ne sais pas jusqu'où je vais pousser l'aventure ? On verra bien, peut être un épisode par semaine, comme les novellistes d'autrefois ??

    RépondreSupprimer