Un cube mécanique. Musique de circonstance.
Boite à odeur itinérante. Avec des hauts et des bas. S’ouvre et se ferme régulièrement. Avale et recrache une petite humanité messagère.
9 heures du matin. Café chaud, parfums frais, déo conquérants et cheveux porte- drapeaux.
Bonjour, dit le parfum. Je vous pousse un peu excusez-moi je prends de la place. Je vous enlace brièvement, je me tortille, et passe entre voas jambes, derrière les reins de votre voisin. Dans un sursaut, un mouvement de main pour vérifier une coiffure, je reviens vous chatouiller le nez. Ne grimacez point, je ne fais que passer. Voilà, je suis arrivé, je descends. Ah, pardon je reste encore un peu, bref reliquat de patchouli qui s’évapore enfin, dévoré par l’immense gaillard qui pénètre dans le cube volutes déployées. Savoir faire américain, casquette aldéhydé et muscles de cèdre blanc au goût de craie. Les narines grincent, un regard las contemple le plafond gris de la boite, quand est-ce qu’on arrive ? Ouf, il ne s’attarde pas. S’échappe, puis se perds dans les couloirs du 4em. Un temps de silence. Le moka reprend sa petite ritournelle paisible, puis des ondes sucrées éclaboussent l’espace exigu. Coucou, dit un autre compère, je suis la boule de vanille, je rebondis de tous les côtés sans pouvoir me retenir, et comme je suis enrobée de caramel liquide je laisse des traces invisibles sur vos bras, vos épaules, lorsque vous me frôlez. Comme c’est amusant, je suis un parfum qui colle ! Je remarque des sourires de gourmandise, parfois on me repousse d’un soupir. Qu’importe, je cours ma ronde, puis file ventre à terre dès que muguet et bord de mer se pointent. Air pur synthétique. On atteint des sommets. Tiens, non, à l’arrêt suivant, bien que le cube poursuive sa course ascendante, on chute ras des pâquerettes, niveau gazon coupé. Herbe à vaches ou régime de bananes ? Qu’importe l’étiquette, c’est la même molécule de toute façon.
La distribution matinale soigneusement acquittée, le cube, ensuite, opère souvent à vide dans la journée. Il stocke en attendant. Il ventile parfois, dès que les portes s’ouvrent.
Ah ! Enfin quelqu’un. Bonjour, bienvenue dans la boîte. Vous me reconnaissez, je suis Shalimar, la directrice produit du 5em ? Vous ne me voyez pas bien sur, mais vous identifiez ma trace. Je suis passée ici 20 min auparavant, pour un trajet de 3 étages. Mais j’ai tellement d’épaules et, j’ose l’avouer, je manque un peu de légèreté. Mais quel sillage... ne trouvez-vous pas ? Oui, oui, fais la pivoine du 8em, qui tente sans succès de surpasser la vanilline-civette de la douairière de 1925. Arrêt suivant, nos deux commères s’étranglent. Un ouragan s’engouffre et disperse sans émotion les fleurs et l’ambre. « À vos souhaits », répond gentiment la jolie fille à la pivoine. « Berci », répond l’homme en complet passe muraille qui suinte par tous les pores de sa peau l’eucalyptus en pommade, la fleur d’oranger en spray buccal, et le vieux tabac agrippé aux fibres de sa veste. L'homme renifle. Le cube ne bronche pas, et continue d’engranger. Jusqu’au soir.
18 heures. Pas de café. Quelques traces de sueur, un relent de lingettes, regards mous et coiffures en berne. Shampoing à la poire brandit ses paniers à moitié vide, déo à la mangue à capoté version pomme de pin. Pivoine murmure encore un peu, essoufflée mais vaillante, quelques fruits aux sirops soutenant son discours. Shalimar embarque, lumineuse et sereine, et prend toujours beaucoup d’espace, pardon, pardon on se pousse s’il vous plait. La vanille sucre d’orge, fidèle à elle-même, ébouriffe encore quelques personnes, le patchouli s’épanouit et devient torride. Les gros muscs protéinés, si vaillants, fusants, étourdissants et furibonds le matin, sentent la dégonfle et tournent à l’aigre pour la plus part. Quand est-ce que les hommes cesseront-ils d’abuser de déodorants antihumidités ?
La nuit tombe. Le cube s’est immobilisé. Dans son ventre sombre, les dernières volutes sont lentement étirées, brassées puis digérées. Les parfums des agents de nettoyage, citron métallique et jasmin diaphane, ultimes participants de la sarabande, sont également engloutis et dissouts. Pourtant dans un coin quelques particules résistent encore et toujours. Elles s’accumulent en silence, profitent de la saleté oubliée pour se protéger et, chaque matin, quand les portes s’ouvrent pour accueillir le premier chargement, un coup de vent, des semelles qui frottent et libèrent, et le labdanum de Shalimar, un peu amoché, borgne, chauve, mais identifiable s’élance à nouveau. « Coucou me revoilou ! »
La journée reprend.
Boite à odeur itinérante. Avec des hauts et des bas. S’ouvre et se ferme régulièrement. Avale et recrache une petite humanité messagère.
9 heures du matin. Café chaud, parfums frais, déo conquérants et cheveux porte- drapeaux.
Bonjour, dit le parfum. Je vous pousse un peu excusez-moi je prends de la place. Je vous enlace brièvement, je me tortille, et passe entre voas jambes, derrière les reins de votre voisin. Dans un sursaut, un mouvement de main pour vérifier une coiffure, je reviens vous chatouiller le nez. Ne grimacez point, je ne fais que passer. Voilà, je suis arrivé, je descends. Ah, pardon je reste encore un peu, bref reliquat de patchouli qui s’évapore enfin, dévoré par l’immense gaillard qui pénètre dans le cube volutes déployées. Savoir faire américain, casquette aldéhydé et muscles de cèdre blanc au goût de craie. Les narines grincent, un regard las contemple le plafond gris de la boite, quand est-ce qu’on arrive ? Ouf, il ne s’attarde pas. S’échappe, puis se perds dans les couloirs du 4em. Un temps de silence. Le moka reprend sa petite ritournelle paisible, puis des ondes sucrées éclaboussent l’espace exigu. Coucou, dit un autre compère, je suis la boule de vanille, je rebondis de tous les côtés sans pouvoir me retenir, et comme je suis enrobée de caramel liquide je laisse des traces invisibles sur vos bras, vos épaules, lorsque vous me frôlez. Comme c’est amusant, je suis un parfum qui colle ! Je remarque des sourires de gourmandise, parfois on me repousse d’un soupir. Qu’importe, je cours ma ronde, puis file ventre à terre dès que muguet et bord de mer se pointent. Air pur synthétique. On atteint des sommets. Tiens, non, à l’arrêt suivant, bien que le cube poursuive sa course ascendante, on chute ras des pâquerettes, niveau gazon coupé. Herbe à vaches ou régime de bananes ? Qu’importe l’étiquette, c’est la même molécule de toute façon.
La distribution matinale soigneusement acquittée, le cube, ensuite, opère souvent à vide dans la journée. Il stocke en attendant. Il ventile parfois, dès que les portes s’ouvrent.
Ah ! Enfin quelqu’un. Bonjour, bienvenue dans la boîte. Vous me reconnaissez, je suis Shalimar, la directrice produit du 5em ? Vous ne me voyez pas bien sur, mais vous identifiez ma trace. Je suis passée ici 20 min auparavant, pour un trajet de 3 étages. Mais j’ai tellement d’épaules et, j’ose l’avouer, je manque un peu de légèreté. Mais quel sillage... ne trouvez-vous pas ? Oui, oui, fais la pivoine du 8em, qui tente sans succès de surpasser la vanilline-civette de la douairière de 1925. Arrêt suivant, nos deux commères s’étranglent. Un ouragan s’engouffre et disperse sans émotion les fleurs et l’ambre. « À vos souhaits », répond gentiment la jolie fille à la pivoine. « Berci », répond l’homme en complet passe muraille qui suinte par tous les pores de sa peau l’eucalyptus en pommade, la fleur d’oranger en spray buccal, et le vieux tabac agrippé aux fibres de sa veste. L'homme renifle. Le cube ne bronche pas, et continue d’engranger. Jusqu’au soir.
18 heures. Pas de café. Quelques traces de sueur, un relent de lingettes, regards mous et coiffures en berne. Shampoing à la poire brandit ses paniers à moitié vide, déo à la mangue à capoté version pomme de pin. Pivoine murmure encore un peu, essoufflée mais vaillante, quelques fruits aux sirops soutenant son discours. Shalimar embarque, lumineuse et sereine, et prend toujours beaucoup d’espace, pardon, pardon on se pousse s’il vous plait. La vanille sucre d’orge, fidèle à elle-même, ébouriffe encore quelques personnes, le patchouli s’épanouit et devient torride. Les gros muscs protéinés, si vaillants, fusants, étourdissants et furibonds le matin, sentent la dégonfle et tournent à l’aigre pour la plus part. Quand est-ce que les hommes cesseront-ils d’abuser de déodorants antihumidités ?
La nuit tombe. Le cube s’est immobilisé. Dans son ventre sombre, les dernières volutes sont lentement étirées, brassées puis digérées. Les parfums des agents de nettoyage, citron métallique et jasmin diaphane, ultimes participants de la sarabande, sont également engloutis et dissouts. Pourtant dans un coin quelques particules résistent encore et toujours. Elles s’accumulent en silence, profitent de la saleté oubliée pour se protéger et, chaque matin, quand les portes s’ouvrent pour accueillir le premier chargement, un coup de vent, des semelles qui frottent et libèrent, et le labdanum de Shalimar, un peu amoché, borgne, chauve, mais identifiable s’élance à nouveau. « Coucou me revoilou ! »
La journée reprend.
Ahhh SHALIMAAAAAAR ..........
RépondreSupprimerLe parfum qui a bouleversé mon adolescence et qui me suit toujours ..... Je l'ai dans toutes ses concentrations mais comme je regrette toutes ses reformulations !
Merci Céline pour ce bel hommage je trouve ^^
Bonjour Julita,
RépondreSupprimerUn hommage un peu ironique sans doute, mais un hommage à cette grande dame qui traverse les époques et marque l'esprit. Que de sensualité et que de fantasmes dans ce parfum ! Dommage, oui que sa formule,pour des raisons diverses, légitimes ou non, soit modifiée. Mais il en est de même pour de nombreux parfums qui ont été crées,il y a peu d'années...
Quel nez, quelle plume ! Un régal !
RépondreSupprimerMerci Céline, pour ces petites tranches de vie croquées à pleines dents, humées à plein nez !
Et quid d'un Angel ou d'un Lolita ? Ont-ils la place pour rentrer dans ce petit cube de metal ? Content de relire tout plein de nouvelles breves parfumees apres mon retour de vacances !
RépondreSupprimerCoucou Madame, je découvre, cela fleure bon par ici ...
RépondreSupprimerBonjour Mademoiselle Catherine,
RépondreSupprimerEt un grand merci pour votre enthousiasme :)
Bonjour FLorent,
RépondreSupprimerAngel et Lolita font partie des boule de vanille qui évolue en mode "balle magique" effet rebondissant perpetuel...dans un ascenseur
Bonjour Fredounette,
RépondreSupprimerRavie de te "voir"...à bientôt :)
Angel et Lolita font partie des boules de vanille qui évoluent en mode "balles magiques"....sans les fôtes c'est mieux, non ??
RépondreSupprimerBon, pour faire court : j'adore. Et pour rebondir, moi mon cube de métal c'est le bus tout les matins et tous les soirs. On y croise aussi pas mal de drôle d'énergumènes de tout type, avec de belles variations sur le même thème entre le matin et la fin de la journée. Mais passé 21h, si vous reprenez le bus ou le métro, vous recroiserez un autre genre de personnages, ceux là, prêts, remontés et apprêtés pour aller séduire toute la ville au moins! Quel est votre sentiment là dessus ?
RépondreSupprimerBonjour Poivre Bleu,
RépondreSupprimerMerci, et oui, vous avez raison les odeurs évoluent au fil des heures dans les transports. Vous pouvez lire si vous le souhaitez une chronique sur ce thème:"métro 3".
où je fais le même constat que le votre
Cet article me rappel aussi mes trajets en bus, que je fait chaque matin et chaque soir!
RépondreSupprimerEt en plus on y rencontre les mêmes que dans l'ascenseur! Celui qui m'a le plus marqué est la vanille, les "boules qui évoluent genre boules magiques" comme tu dis!!! L'autre jour j'ai rencontré une boule vanille bien crémeuse et sucrée, suave, collante et totalement écœurante. Ça fait mal de bon matin! Elle m'a été imprimé au fond du crâne pour toute la journée à venir! Mais parfois, on croise aussi de doux parfums presque éphémères qui nous font voyager et nous donnent ces impressions de bien être et de volupté. Pour moi ce sont tous les cèdres, patchoulis et autres boisés!
A bientôt!