jeudi 18 juin 2009

L'Avion de 7h00 AM

Premier vol. Premières odeurs
Ce n’est pas l’heure indue qui est pénible.
La foule tranquille, mesurée, s’agite en mode automatique et fonctionne au radar, cette force de l’habitude qui permet d’enregistrer son vol en une phrase, ou en un clic. Bonjour. Non pas de bagage. Pas de truc qui explose. Merci. Au revoir. Sorte de résignation générale, variété élégante de mouton de panurge qui se rend vers son quart de champs. Je broute les nouvelles du jour. Le regard hagard j’avance d’un pas.
Non, ce qui est pénible avec l’avion de 7h00 ce sont les odeurs. Rien à voir avec le métro de bon matin, lorsque les travailleurs usés de la nuit croisent les frais pimpants qui commencent leur journée. L’avion de 7h00 est composé d’hommes. Surtout des hommes. Des hommes fraîchement lavés, brossés, parfumés, embarqués en un bel ensemble pour une journée de Grand Challenge. Chacun a joyeusement et consciencieusement abusé de déo, eau de toilette, after-shave et autres papiers tue-bouche. Je soupçonne même certains individus mâles, inquiets par crainte de manquer, de n’avoir épargné aucun coin de peau et d’avoir joué les superpositions. C’est l’odeur de l’avion de 7h00. Les têtes de gondoles côtoient les vieux classiques à papa.
Rarement je renifle un intrus doux, soyeux, quelque fois croustillant. Une femme ! Mais habillée d’un pantalon tailleur, je n’aurais pu faire la différence, si elle ne s’était enduite de son parfum gourmand, si gourmand, que monte en moi soudainement une envie, là, tout à coup, d’un croissant chaud.
L’avion de 7h00 AM
En cabine
Cycle de la clim
Absorption, compilation et distribution
Création inimitable d’un nuage odorant invisible et entêtant, où se mêle un parfum de menthol, type « after-eight » sans le chocolat ; un enchevêtrement d’effluves de bois de cèdre et autres fibres exotiques, comme si une rangée de crayons à papier m’encerclait tout à coup ; quelques grains de poivre, un peu de paprika, une pincée d’herbes de Provence, un vague fond de siège en simili cuir.
Le tout modelé et féminisé par les parfums souvent prégnant des hôtesses de l’air, qui abandonnent à chaque passage et, lors de la cérémonie du gilet de sauvetage -- gonflé en un généreux mouvement de piston -- , un nuage rose et poudré, méli-mélo de fleurs évanescentes et de crème fouettée.
Quand l’avion s’en mêle, un pet de kérosène parvient parfois à se faufiler dans les gaines de recyclage de l’air. Vorace, il jaillit hors des ventilations et percute, gobe puis dissout toutes les effluves moles en un clin d’œil.
Effet déroutant, un peu rebutant, qui procure le sentiment d’un reboote du système. Ctrl/Alt/Suppr en quelque sorte.
Le nez vide, on peut passer au petit déjeuner : café /gâteau sec, merci Madame.

Pour MMR

3 commentaires:

  1. Ah, ça commence à devenir intéressant.

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  2. Ah, l'avion! Les gens qui s'aspergent de n'importe quoi 10 minutes avant le départ au dutyfree! J'ai le souvenir d'un voyage cauchemardesque avec une collègue qui s'était douchée avec L'eau d'Issey et nous empestait jusqu'à une dizaine de rangs derrière elle, l'horreur! Depuis je ne peux plus voir l'Odyssée en photo!
    Muguette

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  3. D'ailleurs, c'était quoi le parfum de la dame en question, vous le connaissiez? Moi je parie sur L, de Lolita Lemicka, ou musc ravageur!
    Muguette

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