Quartier chic, rue sombre à peine. L’entrée d’un bar branché. Deux colosses souriants, tout dépend. Ensuite un palier étroit à l’éclairage minuscule et aussitôt de larges marches qui disparaissent vers les étages inférieurs. Rouge sur fond noir. Mes yeux de myopes ne me permettent pas d’appréhender tous les détails. Sans lunettes, j’ajuste mon nez et parcours la foule. La moquette sous les talons est vraiment épaisse. Je m’enlise à chaque pas, peinant à conserver une attitude détachée un cocktail « ...et Denise » en équilibre au bout de mes doigts, tandis que je m'ecrime à ne pas perdre de vue mes amies. Dans une encoignure nous apercevons une brèche et aussitôt nous disparaissons dans le renfoncement sombre où siège une nichée de poufs étroits. Nous découvrons une vue imprenable sur le restaurant circonscrit dans la fosse et sur le chemin de ronde semé d’alcôves festonnant le bar.
Je prends la pose et laisse mon radar rôder alentour. Musique forte, mes épaules accompagnent la mesure. Si la sono est parfaite, la climatisation l’est également. Les miettes olfactives des assiettes, la ritournelle des saveurs brassées par les serveurs qui se croisent et pellettent les parfums de cuisines en contrebas affichent senteurs mortes. Depuis mon perchoir mon renifloir plonge, mais reste au sec. Film muet. Je change mon nez d’épaule et zoom alentour. Va et viens soigneusement réglés, les volutes babillent: parfums tourbillonnants et talons vertigineux; parfums affutés et vestes taillées au cordeau; parfums tactiles et chemises moins trois boutons; parfums mille-feuilles et robes minuscules. Je ne suis pas la seule aveugle, fruit de longues habitudes de noctambules en chasses le monde souterrain adopte un sens animal indispensable pour se dénicher : l’odorat.
Je prends la pose et laisse mon radar rôder alentour. Musique forte, mes épaules accompagnent la mesure. Si la sono est parfaite, la climatisation l’est également. Les miettes olfactives des assiettes, la ritournelle des saveurs brassées par les serveurs qui se croisent et pellettent les parfums de cuisines en contrebas affichent senteurs mortes. Depuis mon perchoir mon renifloir plonge, mais reste au sec. Film muet. Je change mon nez d’épaule et zoom alentour. Va et viens soigneusement réglés, les volutes babillent: parfums tourbillonnants et talons vertigineux; parfums affutés et vestes taillées au cordeau; parfums tactiles et chemises moins trois boutons; parfums mille-feuilles et robes minuscules. Je ne suis pas la seule aveugle, fruit de longues habitudes de noctambules en chasses le monde souterrain adopte un sens animal indispensable pour se dénicher : l’odorat.
Je respire ainsi des eaux de toilette dandy mèches clins d’œil et corps de liane, brocardé par hommes petits bidons et coiffures disciplinés. L’un d’eux boucle plusieurs tours des galeries en quête de nouveauté, dispersant des bribes d’informations aromatiques jusqu’au moment où repassant devant nos sièges crapauds il pique sur nous tout sourire et hurle une question sans doute anodine afin d’engager la conversation. Mes oreilles ne captent rien compte tenu de la musique assourdissante, mais mon nez happe tout, sans remords. Et la mécanique de s’emballer. Enfin, pas celle souhaitée par le baratineur, mais celle de mes cils olfactifs qui bien entrainés, jouent au yoyo en mode automatique. Hop ! Analysé, décortiqué, découpé en rondelles, le séducteur masqué, ah, ah ! Même myope, je vois bien que ce parfum est trop jeune pour toi !
Il existe une expression pour se retenir de parler trop vite : il suffit de tourner sa langue sept fois dans sa bouche. Mais rien pour museler l’odorat. Pourtant, j’ai la faculté de ne pas prêter attention à tous les signaux, de réguler le flux d’information et d’opérer un tri sélectif, mais à cet instant, prise dans le tournis de la nuit, engourdie par l’alcool et la conversation à bâton rompue avec mes amies, je ne peux pas empêcher mes synapses de me canarder d’images dès molécule gobée. Mon nez baisse sa garde et me voilà prise en flagrant délit d’analyse universelle. Rompue aux clichés prêts à consommer, aux fantasmes publicitaires et aux conventions: j'ai identifié le nom et la marque, juxtaposé la photo du manequin et constaté l’absence de corrélation : ce parfum ne colle pas à ta peau. Qu’importent l'âge, la tournure ou les paroles séduisantes, impitoyables, mon nez donne la réplique.
Fort heureusement, je ne suis pas un animal mais un être humain. Je ne siffle pas par les naseaux comme un félin froissé. Mon esprit et mon éducation reprennent le dessus et, souriante, je hoche la tête et explique en hurlant à mon tour à l'adresse de l’homme charmant dont le seul défaut est de ne pas correspondre à l'égerie, que nous sommes entre amies pour fêter une année de plus et quelques rides, et que nous n'avons pas pas le désir de partager un verre en sa compagnie, qu’importe son parfum.
Les parfumeurs sont vraiment pénibles…
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