mercredi 3 novembre 2010

Hotel et Restaurant…de Charme

Weekend flânerie. Nous avons réservé une chambre d’hôtel dans un lieu charmant et pittoresque. Trois petites étoiles étincellent sur la porte. Nous sommes reçus avec chaleur et simplicité, puis accompagnés à notre chambre.
Froufrou de serrure, la porte s’ouvre et je me ferme instantanément. Un flot d’informations artificielles percute mon visage, mon cerveau se recroqueville et mon nez coupe le réseau. Mais dans la fraction de seconde nécessaire pour bloquer le flux, j’ai tout de même le temps d’identifier une Eau d’Issey, particulièrement noyée dans le jus de concombre en conserve.
Alarme et panique : je ne vais pas pouvoir dormir dans un tel hourvari olfactif !
Et pourtant, comme la chambre est ravissante avec sa jolie vue sur le parc, sa salle de bain irréprochable, sa décoration harmonieuse, composition parfaite pour magazine papier glacé. Mais parfum criard. Absurde et lancinant. L’employé quitte la pièce très satisfait de nous avoir fait découvrir un cadre si bien ordonné et, dès porte close, mon radar se met en marche. Nez en l’air, je tente de localiser le diffuseur de parfum dans un angle du plafond. En réalité, il trône sur un guéridon : un bouquet de « spaghettis », planté dans un long vase élégant, baigne dans un liquide vert et pulse généreusement une pelote de volutes invisibles, formant une salade indigeste de cailloux salés, de fleurs de lotus et de bouts de bois drossés par les courants marins. Calonne, salicylates, et une large dose de nonadiénal. J’attrape l’objet du délit du bout des doigts et zou, dehors, à l’autre bout de la terrasse. La fenêtre restera ouverte toute la soirée pendant que nous dinons chez nos amis. La chambre, à notre retour est glacée, l’odeur, toujours présente. Je finis par m’endormir, le visage coincé dans mon T-shirt. Doudou apaisant et nez chez moi. Avant de sombrer, j’ai une pensée pour mon père qui lors de ces voyages, enveloppe souvent son oreiller avec sa chemise, car il supporte difficilement l’odeur des lessives locales ! Je me rappelle m’être un peu moquée de lui. Mais finalement me voilà à mon tour piégée par le nez. Mon odorat devient, avec le temps, de plus en plus sensible. Ou alors, nous avons un petit côté Diva chez les Ellena ?
Le lendemain nous sommes invités à déjeuner dans un restaurant situé au cœur de la vieille ville de Genève. Nous franchissons tranquillement le seuil en bavardant de choses et d’autres, mais j’interromps soudain mon babillage, car une équipe entière de Rugby Man en bout de jeu, me prend dans ses bras et m’enlace vigoureusement. En fait, une extraordinaire odeur de sueur chaude, de chaussettes humides et d’urine fraiche m’empoigne à plein nez : fromage fondu, ail rissolé et vin blanc bouilli. Miam. J’avais oublié que cette ville sent les pieds, dès les premiers froids. Faits d’hiver terriblement envahissant, que ma mémoire d’enfant a dégagé sans état d’âme, dès que nous avons quitté la région. Sans doute parce que je n’appréciais pas la fondue au fromage à cette époque. Odeur oppressante, amertume aigrelette du vin blanc, et bouts de pain rassis : rien qui ne puisse séduire alors ma gourmandise de petite fille. Depuis j’ai changé d’avis, mais je déplore toujours d’en conserver une trace épaisse sur ma peau et mes vêtements. Oui, oui, une Diva, vous dis-je qui ne supporte plus, ni les parfums trop élaborés et bruyants des hôtels, ni les arômes simples et roboratifs de la bonne cuisine un peu…vulgaire ? Ce qui ne m’a pas empêchée de dévorer mon repas. Miam ! Et de me changer plus tard. Avec un lot de vêtements parfumés à la lessive « ouste krapoto » et « glouton schlingueur », afin de reconquérir une neutralité calibrée comme il se doit depuis les années 70 : musc blanc flapi et tensio-actif cruellement aldéhydé. Faute de mieux…

Oups ! J’ai oublié en quittant l’hôtel de rapporter sur le guéridon de la chambre, le bouquet de spaghettis parfumés.


Pour Clothilde, Gabriel et Alex. Encore merci pour ce w.e.
Merci à Hélène pour m’avoir offert l’idée des « spaghettis », tiges d’osiers poreuses, qui par effet de capillarité, aspirent et diffusent très efficacement le parfum liquide.
Enfin, ce texte est dédié à toutes les « chochottes » du blair, dont je fais partie !

7 commentaires:

  1. Il est vrai que sans avoir le nez aussi affuté que le vôtre (et de loin), on se demande ce qui est le plus pénible : les odeurs sui generis dont on a perdu l'habitude ou l'environnement parfumé par des vendeurs d'odeurs au litre et des tôliers bien intentionnés...

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  2. Ha, la lessive des années 70 ; c'est ce que j'appelle l'accord Bonux : aldéhyde C12 lauric + Tonalid, imparable ;-)

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  3. A chochotte, chochotte et demie, qu'est-ce que j'en ai cauchemardé, sur les chambres d'hôtel de charme aromatisées... Même les accords ambrés du Ritz (je n'y dors pas mais il m'arrive d'y passer) me tombent sur l'estomac. Je crois que c'est le volume olfactif poussé à fond qui est le plus incommodant, là-dedans. Quoique, la calone...

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  4. @ carmencanada : on pourrait également citer la forte odeur d'Ambre de chez Lampe Berger au Plaza Athénée...

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  5. Et quand en plus on a le nez susceptible avec tout ce qu'il reconnaît de molécules synthétiques... la nausée n'est pas loin.

    De la même façon qui n'a pas eu l'occasion d'avoir droit à des odeurs "parasites" dans un restaurant ? (égouts, toilettes,sens-bon chimique à haute dose ou les assiettes et les verres qui sentent le chien mouillé...)

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  6. Bonjour Cedric,
    Oui en effet...mais je voulais surtout évoquer les odeurs en plus. Celles que l'on rajoute pour "effacer" celles de notre quotidien. Au bout du compte je ne suis pas certaine que l'on gagne au change. Parfois je préfère les odeurs humaines ;)
    ...je ne parle pas des odeurs de fromages...celles-ci, il faut absoluement les défendre. Même le camenbert parfois ne sent plus rien...à part le blanc d'oeuf.

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  7. Ah !
    La lampe berger....une histoire de platre sur une jambe de bois

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