Ménilmontant, par petit matin de dimanche. L’air est vif, mais lumineux.
Les trottoirs demeurent humides, le printemps s’enracine pluvieux.
Boutiques fermées, bars ouverts.
Grimpette et découverte. Humez l’air.
Dénichez au fur et à mesure, jusqu’à en avoir le souffle court au sommet de la butte, des odeurs de ville quotidienne et familière, populaire et intemporel. Plaisirs de touriste, nez aux aguets.
Au pied de la rue de Ménilmontant, le boulevard draine des parfums âcres de diesel. Un souffle tiède s’échappe d’une large grille enchâssée au sol. Coupez rapidement l’haleine du métro, attrapez au passage quelques impressions douceâtres, mélange de petit lait, de pain de mie, et de bouillon cube, puis entamez d’un pas paisible la longue côte. Récoltez en chemin une saute de vent odorant, une bise parfumée, un frisson méphitique.
Un point téléphone ouvert sur la rue propose des caissons aquarium pour joindre une lointaine famille. Pas de sièges pour ne point s’attarder, mais le sentiment d’être un peu chez soi, debout, combiné sur l’oreille et nez suspendu aux lourdes volutes des bâtons d’encens fichés dans un vase, au fin fond de la longue officine étroite. Des rubans évanescents de patchouli, de santal synthétique et d’héliotropine, qui évoque la délicatesse des fleurs de Frangipanier, glissent et s’étirent entre les pavés. Le trottoir s’égare et vous cheminez vers l’exotisme. Continuez nez devant, frôlez la terrasse d’un troquet. Parfums de citron et de javel qui tentent d’engloutir les molécules torréfiées du café serré. Un grand air de propreté de bon matin pour accueillir les premiers habitués. Tendez le cou et distinguez les croissants sur le comptoir et le petit ballon de rouge, siroté par Julien qui prend au matin, tout son temps. Celui qui lui reste. Si vous marchez trop vite, ces effluves de beurre et de tanin ne parviendront pas sous votre tarin. Car la lessive accapare tout l’espace. C’est le but. Formule soignée, efficacité prouvée.
Quelques mètres encore, la rue s’incline plus raide. Boucherie hallal. Sang frais et matières graisses. Piques de métal froid, vertige fade et relent agréable de saccharose. Sentiment d’être pincé par l’expiration poivrée et crue d’un immense frigidaire. Étrangement appétissant et apaisant. Soudain au niveau de l’Église à votre gauche, laissez-vous happer par la tendresse du printemps et ces effluves de carte postale : sève fluide, pollen délicat, saveurs de miel. Parfum d’humidité sombre, de jus de feuilles et de lilas croquant. Il suffit de quelques arbres coiffés, d’une motte de fleur, d’une haie de Troènes, d’une vigne vierge et, la ville disparait. Goudron et carburant délayés. Un bonheur de nez.
Reprenez votre souffle, savourez l’instant et poursuivez l’ascension, qui se corse. La pente devient abrupte. Les odeurs plus dures. Un vieil immeuble gris et fatigué s’affaisse à l’angle sur une ruelle tordue qui décanille à droite. Déchets oubliés, bout de planches, caillasses noircies et lianes de chiendent. Strates d’urines neuves et anciennes, vinasse rance, bière moisie, peau d’orange putréfiée, déchets indéterminés décomposés. Votre nez grince, se tord et vous soufflez comme un cheval qui s’ébroue ! Revenez sur vos pas. Un mètre plus loin, abandonné dans le caniveau, le remugle amer et cendré des poutres carbonisées rince vos naseaux. Levez vos yeux. Le vieux bâtiment a sans doute achevé son cycle dans un incendie. Les murs transpirent la puissante poussière du charbon, l’odeur de fumée douchée à grandes eaux, l’arôme presque caramélisé des vernis cuits et recuits, la douceur entêtante et balsamique des papiers vinyles calcinés, l’âpre rumeur des murs en plâtre couverts de peinture glycéro, qui évoque la craie et l’éponge avachie du tableau noir. Dommage, le fleuriste d’en face est fermé en ce jour de congé. Pas moyen de reprendre une giclée de printemps !
Puis c’est la rue Boyer. Tournez à votre droite et entamez une glissade douce. Un peu plus bas, vous trouverez un bistro et vous apprécierez une pause en terrasse, devant un café ou un thé, ou toutes autres consommations à votre convenance. Reposez votre nez et vos jambes, et appréciez ce quartier animé.
Les trottoirs demeurent humides, le printemps s’enracine pluvieux.
Boutiques fermées, bars ouverts.
Grimpette et découverte. Humez l’air.
Dénichez au fur et à mesure, jusqu’à en avoir le souffle court au sommet de la butte, des odeurs de ville quotidienne et familière, populaire et intemporel. Plaisirs de touriste, nez aux aguets.
Au pied de la rue de Ménilmontant, le boulevard draine des parfums âcres de diesel. Un souffle tiède s’échappe d’une large grille enchâssée au sol. Coupez rapidement l’haleine du métro, attrapez au passage quelques impressions douceâtres, mélange de petit lait, de pain de mie, et de bouillon cube, puis entamez d’un pas paisible la longue côte. Récoltez en chemin une saute de vent odorant, une bise parfumée, un frisson méphitique.
Un point téléphone ouvert sur la rue propose des caissons aquarium pour joindre une lointaine famille. Pas de sièges pour ne point s’attarder, mais le sentiment d’être un peu chez soi, debout, combiné sur l’oreille et nez suspendu aux lourdes volutes des bâtons d’encens fichés dans un vase, au fin fond de la longue officine étroite. Des rubans évanescents de patchouli, de santal synthétique et d’héliotropine, qui évoque la délicatesse des fleurs de Frangipanier, glissent et s’étirent entre les pavés. Le trottoir s’égare et vous cheminez vers l’exotisme. Continuez nez devant, frôlez la terrasse d’un troquet. Parfums de citron et de javel qui tentent d’engloutir les molécules torréfiées du café serré. Un grand air de propreté de bon matin pour accueillir les premiers habitués. Tendez le cou et distinguez les croissants sur le comptoir et le petit ballon de rouge, siroté par Julien qui prend au matin, tout son temps. Celui qui lui reste. Si vous marchez trop vite, ces effluves de beurre et de tanin ne parviendront pas sous votre tarin. Car la lessive accapare tout l’espace. C’est le but. Formule soignée, efficacité prouvée.
Quelques mètres encore, la rue s’incline plus raide. Boucherie hallal. Sang frais et matières graisses. Piques de métal froid, vertige fade et relent agréable de saccharose. Sentiment d’être pincé par l’expiration poivrée et crue d’un immense frigidaire. Étrangement appétissant et apaisant. Soudain au niveau de l’Église à votre gauche, laissez-vous happer par la tendresse du printemps et ces effluves de carte postale : sève fluide, pollen délicat, saveurs de miel. Parfum d’humidité sombre, de jus de feuilles et de lilas croquant. Il suffit de quelques arbres coiffés, d’une motte de fleur, d’une haie de Troènes, d’une vigne vierge et, la ville disparait. Goudron et carburant délayés. Un bonheur de nez.
Reprenez votre souffle, savourez l’instant et poursuivez l’ascension, qui se corse. La pente devient abrupte. Les odeurs plus dures. Un vieil immeuble gris et fatigué s’affaisse à l’angle sur une ruelle tordue qui décanille à droite. Déchets oubliés, bout de planches, caillasses noircies et lianes de chiendent. Strates d’urines neuves et anciennes, vinasse rance, bière moisie, peau d’orange putréfiée, déchets indéterminés décomposés. Votre nez grince, se tord et vous soufflez comme un cheval qui s’ébroue ! Revenez sur vos pas. Un mètre plus loin, abandonné dans le caniveau, le remugle amer et cendré des poutres carbonisées rince vos naseaux. Levez vos yeux. Le vieux bâtiment a sans doute achevé son cycle dans un incendie. Les murs transpirent la puissante poussière du charbon, l’odeur de fumée douchée à grandes eaux, l’arôme presque caramélisé des vernis cuits et recuits, la douceur entêtante et balsamique des papiers vinyles calcinés, l’âpre rumeur des murs en plâtre couverts de peinture glycéro, qui évoque la craie et l’éponge avachie du tableau noir. Dommage, le fleuriste d’en face est fermé en ce jour de congé. Pas moyen de reprendre une giclée de printemps !
Puis c’est la rue Boyer. Tournez à votre droite et entamez une glissade douce. Un peu plus bas, vous trouverez un bistro et vous apprécierez une pause en terrasse, devant un café ou un thé, ou toutes autres consommations à votre convenance. Reposez votre nez et vos jambes, et appréciez ce quartier animé.
Chere Celine,
RépondreSupprimercela fait un moment deja que je me delecte de vos billets parfumes, mais je n'ai encore jamais ose m'exprimer. Celui-ci est bien digne du reste, sinon meilleur, quelle belle plume !
Paris qui m'est si lointaine, ressurgit sous vos mots, et me voila transporte dans une ballade odorante parmis ses rues. C'est beau.
Merci pour ce moment de poesie, tire d'une promenade anodine. Et merci pour ce blog qui transporte notre imagination olfactive!
Un petit nez de Hollande.
Je me joins à Florent pour vous dire à quel point vos billets sont délectables, en tous sens...Quelle jolie plume, on vous suit pas à pas dans ces rues emplies d'odeur, on ferme les yeux, et...on y est !!
RépondreSupprimerBonjour Florent,
RépondreSupprimerMerci d'avoir osé vous exprimer ! Je répond tardivement, mais c'est toujours un plaisir de lire des commentaires aussi joliment tournés !et provenant de si loin...je suis heureuse de vous faire voyager avec votre nez.
Bonjour Cleriart,
RépondreSupprimeret un grand merci également...de suivre mes pas ! ou mon nez ;)
Bonjour Céline,
RépondreSupprimerUne visite touristique de Paris, inédite ....
J'adore !