J’ai pour habitude d’écouter le babillage des parfums sur ma peau. Le moment venu, lorsque je souhaite prêter une narine attentive, je choisi de parfumer le creux de ma nuque. Petit sillon chaleureux près des cheveux, qui profite d’une situation unique, car je ne peux y poser mon nez. Comme cela, je perçois clairement l’aura. J’appréhende librement les nuances ondoyantes, une possible linéarité ennuyeuse, où la présence de « couacs » désagréables. Tout un sillage...
En général j’utilise ce moyen pour examiner mes derniers essais les plus accomplis, ou encore, un parfum du marché que je souhaite comprendre. Curiosité d’éternelle étudiante. Le petit bout de papier buvard que nous utilisons pour sentir nos essais quotidiens, ou que nous trouvons désormais, à disposition dans les boutiques pour apprécier, sans polluer nos poignets, plus de parfums que nous ne pouvons en mémoriser, n’est pas suffisant pour saisir la matière vivante d’un parfum. La chaleur corporelle est nécessaire, et l’alchimie de la peau également.
Je me transforme donc parfois, en mouillette géante.
Ce jour donc, je vaporise joyeusement et généreusement, un de mes tout derniers essais puis, dans la foulé, je prends le métro, direction bercail. J’emporte mes devoirs à la maison.
Le parfum m’enveloppe chaleureusement, comme une étole vaporeuse nouée autour de mes épaules. Les premiers instants m’offrent la sensation que l’effluve grince encore un peu sur les bords. Je devine un souffle d’anis grassouillet qui l’empêche de s’épanouir tout à fait. Le caractère floral demeure encore enroulé sur lui-même, mais je reconnais qu’il possède plus d’éclat et de complexité que lors des esquisses précédentes. Je vais entreprendre un peu de ménage dans ma formule. Vérifier si tous les matériaux sont absolument indispensables. S’il n’y a pas redondance ou, quelques conflits inutiles à atténuer, voir à éliminer. Tandis que je me dirige vers l’accès du métro, je découvre une brèche particulièrement rêche, mais je constate également de la présence, du caractère. Et quelle puissance ! C’est une bombe !! Je suis ravie, car s’il est un critère indispensable sur lequel « on » insiste constamment, c’est bien, de l’ampleur de la bestiole. Au point que, tandis que je me glisse dans la rame et trouve un petit espace où me tenir, j’entends dans les secondes qui suivent, juste derrière moi, une jeune fille toussoter ! Certainement une coïncidence. Elle doit être enrhumée. Sans plus y prêter attention je retourne à ma bulle olfactive, et poursuis mon évaluation personnelle. « Ce truc nécessite d'être diminué, ce machin me gêne, là je vois un trou, je pense étirer la formule par là, et raboter cette arrête trop visible »….. La toux légère reprend discrètement. Je note qu’elle ne sonne pas comme une gêne grippale, mais plutôt comme un signal chuintant d’avertissement outré. Je me tourne vers le petit bruit de souris misérable et, découvre une jolie jeune fille brune qui m’ offre une mine lèvre pincée, nez retroussé. Je croise brièvement un regard sombre, un front buté. Le train s’arrête. Le mouvement de va et vient des voyageurs s’amorce naturellement et, ma brune délicate, en profite pour se détourner et glisser deux personnes plus loin. Je comprends instinctivement que mon odeur dérange, que j’ai déclenché chez cette inconnue un imperieux besoin de fuite, d’éloignement, et surtout, une soudaine contrariété. Pas de mots échangés, simplement la sentence d’un déplacement fluide, efficace. Une glissade à peine visible.
Bon.
Voilà que j’ai le moral en berne maintenant. Mon parfum s’avère être un répulsif, source d’allergies irrépressibles ! Je désirais réaliser une œuvre élégante, puissante et sereine, et me voilà avec un parfum coup de poing, qui assomme mes voisins ! Car je constate que d’autres personnes, piquent du nez discrètement dans leurs écharpes, ou détournent discrètement le visage vers le courant d’air frais qui circule dans la travée. L’arroseur arrosé. C’est moi. Et je ne sais plus où me mettre. J’en conclu, qu’à m’acharner exclusivement à gagner le sommet de la puissance, j’ai négligé le simple plaisir de la promenade. Demain, je retourne à ma formule et je lui permettrai de s’adonner à la paresse, je trouverai le moyen de la faire fredonner, et je laisserai les matériaux musarder librement. Lâcher prise, admettre un certain désordre et discerner dans tout ce brouhaha, si je peux toucher du nez, l’évidence. Un chuchotement maladroit qu’il me faudra sereinement modeler et, révéler en prenant le temps nécessaire.
Dans quelques jours, ou quelques semaines, je reprendrai le métro, déguisée en mouillette géante à nouveau, avec ma tentative n° … et plutôt que d’écouter mon atmosphère, je m’attarderai dans l’étude du comportement des personnes alentours. Si les corps oscillent comme d’habitude sous le roulis de la rame, demeurent indifférents aux bousculades inévitables et, si les traits des visages conservent une expression terne et résignée, je pourrais en conclure que mon parfum est sans heurt. Mais peut être sans saveur ?! Prochaine étape : vérifier l’équilibre sonore et la justesse de la mélodie, en transformant mes ami(e)s proches en mouillettes géantes. Je les suivrai à la trace, en aveugle, narines déployées…c’est beau l’amitié !
En général j’utilise ce moyen pour examiner mes derniers essais les plus accomplis, ou encore, un parfum du marché que je souhaite comprendre. Curiosité d’éternelle étudiante. Le petit bout de papier buvard que nous utilisons pour sentir nos essais quotidiens, ou que nous trouvons désormais, à disposition dans les boutiques pour apprécier, sans polluer nos poignets, plus de parfums que nous ne pouvons en mémoriser, n’est pas suffisant pour saisir la matière vivante d’un parfum. La chaleur corporelle est nécessaire, et l’alchimie de la peau également.
Je me transforme donc parfois, en mouillette géante.
Ce jour donc, je vaporise joyeusement et généreusement, un de mes tout derniers essais puis, dans la foulé, je prends le métro, direction bercail. J’emporte mes devoirs à la maison.
Le parfum m’enveloppe chaleureusement, comme une étole vaporeuse nouée autour de mes épaules. Les premiers instants m’offrent la sensation que l’effluve grince encore un peu sur les bords. Je devine un souffle d’anis grassouillet qui l’empêche de s’épanouir tout à fait. Le caractère floral demeure encore enroulé sur lui-même, mais je reconnais qu’il possède plus d’éclat et de complexité que lors des esquisses précédentes. Je vais entreprendre un peu de ménage dans ma formule. Vérifier si tous les matériaux sont absolument indispensables. S’il n’y a pas redondance ou, quelques conflits inutiles à atténuer, voir à éliminer. Tandis que je me dirige vers l’accès du métro, je découvre une brèche particulièrement rêche, mais je constate également de la présence, du caractère. Et quelle puissance ! C’est une bombe !! Je suis ravie, car s’il est un critère indispensable sur lequel « on » insiste constamment, c’est bien, de l’ampleur de la bestiole. Au point que, tandis que je me glisse dans la rame et trouve un petit espace où me tenir, j’entends dans les secondes qui suivent, juste derrière moi, une jeune fille toussoter ! Certainement une coïncidence. Elle doit être enrhumée. Sans plus y prêter attention je retourne à ma bulle olfactive, et poursuis mon évaluation personnelle. « Ce truc nécessite d'être diminué, ce machin me gêne, là je vois un trou, je pense étirer la formule par là, et raboter cette arrête trop visible »….. La toux légère reprend discrètement. Je note qu’elle ne sonne pas comme une gêne grippale, mais plutôt comme un signal chuintant d’avertissement outré. Je me tourne vers le petit bruit de souris misérable et, découvre une jolie jeune fille brune qui m’ offre une mine lèvre pincée, nez retroussé. Je croise brièvement un regard sombre, un front buté. Le train s’arrête. Le mouvement de va et vient des voyageurs s’amorce naturellement et, ma brune délicate, en profite pour se détourner et glisser deux personnes plus loin. Je comprends instinctivement que mon odeur dérange, que j’ai déclenché chez cette inconnue un imperieux besoin de fuite, d’éloignement, et surtout, une soudaine contrariété. Pas de mots échangés, simplement la sentence d’un déplacement fluide, efficace. Une glissade à peine visible.
Bon.
Voilà que j’ai le moral en berne maintenant. Mon parfum s’avère être un répulsif, source d’allergies irrépressibles ! Je désirais réaliser une œuvre élégante, puissante et sereine, et me voilà avec un parfum coup de poing, qui assomme mes voisins ! Car je constate que d’autres personnes, piquent du nez discrètement dans leurs écharpes, ou détournent discrètement le visage vers le courant d’air frais qui circule dans la travée. L’arroseur arrosé. C’est moi. Et je ne sais plus où me mettre. J’en conclu, qu’à m’acharner exclusivement à gagner le sommet de la puissance, j’ai négligé le simple plaisir de la promenade. Demain, je retourne à ma formule et je lui permettrai de s’adonner à la paresse, je trouverai le moyen de la faire fredonner, et je laisserai les matériaux musarder librement. Lâcher prise, admettre un certain désordre et discerner dans tout ce brouhaha, si je peux toucher du nez, l’évidence. Un chuchotement maladroit qu’il me faudra sereinement modeler et, révéler en prenant le temps nécessaire.
Dans quelques jours, ou quelques semaines, je reprendrai le métro, déguisée en mouillette géante à nouveau, avec ma tentative n° … et plutôt que d’écouter mon atmosphère, je m’attarderai dans l’étude du comportement des personnes alentours. Si les corps oscillent comme d’habitude sous le roulis de la rame, demeurent indifférents aux bousculades inévitables et, si les traits des visages conservent une expression terne et résignée, je pourrais en conclure que mon parfum est sans heurt. Mais peut être sans saveur ?! Prochaine étape : vérifier l’équilibre sonore et la justesse de la mélodie, en transformant mes ami(e)s proches en mouillettes géantes. Je les suivrai à la trace, en aveugle, narines déployées…c’est beau l’amitié !
Pour Patrick, Virginie(s), Carsten, Natacha, Raphaële et j'en oublie certainement, qui ont accepté bien gentiment de se transformer en papier buvard ! Un grand merci, car grâce à vous, "l'art" a progressé et j'ai heureusement découvert de beaux loupés !!
Que d'émotions et de souvenirs dans ce billet! j'adore être une mouillette géante et je trouve cela drôlement sympa d'être associé à ta création olfactive ;o) ça me change des photos.
RépondreSupprimerà bientôt pour de prochaines aventures en parfum.
V
Ce qui est fascinant à la lecture de tes textes, c'est la façon aussi précise, subtile et drôle de décrire du pur immatériel (à part la musique...?) et de nous le donner à voir, à ressentir. Moi, visuel avant tout, j'ai une image en tête à chacun de tes billets, ici de toi encharpée de volutes aux textures et teintes variées au milieu des autres passagers.
RépondreSupprimerS'il te faut un volontaire de plus pour le buvard géant je suis ton homme.
Moi aussi je voudrais être une mouillette géante !!!!!!
RépondreSupprimerC'est génial de tester des parfums en cours de création !!!
Tenez-nous au courant de votre prochain essai !
Mes meilleurs voeux pour 2010, Céline, j'espère que vous continuerez longtemps à prendre le temps de partager votre vécu avec nous! Ce billet est génial, Oh l'angoisse! J'oscille entre le fou rire et la terreur! L'horreur absolue, pour moi, c'est de préparer un nouveau morceau en sachant que quelqu'un écoute mes tâtonnements jonchés de fausses notes, alors je vous comprends tellement! Ça doit être encore plus extême dans votre cas, une odeur jugée désagréable provoque l'antipathie et le rejet; les expressions "je ne peux pas le sentir" ou "je me sens mal" me semblent taper dans le mille, d'ailleurs dans les cas de stress extrême on transpire aigre n'est-ce pas? Et on ne se sent jamais aussi mal que quand on est mal dans notre odeur: les exemples ne manquent pas d'essais pas terribles, de choix d'un mauvais jour pour tel ou tel parfum, ou même, le pire du pire, l'accident du déo qui lâche (que celui à qui ce n'est jamais arrivé jette la première pierre)!
RépondreSupprimerJ'espère quand-même que ça ne va pas vous rendre craintive de faire un parfum à fort sillage; un de mes parfums préférés est Insolence et il faut admettre qu'il ne plaît pas à tout le monde, mais mon dieu quel plaisir, quel sillage tout au long de la journée!
Je vous souhaite du courage et de l'inspiration ( encore un joli mot, n'est-ce pas?)
ClochettedeMuguet
Quel beau récit d'expérience olfactive! Tout est décrit minutieusement, avec finesse, sensibilité et humour! Je prends toujours beaucoup de plaisir à vous lire!
RépondreSupprimerJe ne suis pas compositrice de parfum, ne peut donc évaluer des créations olfactives comme vous le faites... Néanmoins, j'ai tendance à jouer parfois à la mouillette géante comme vous dites. Pour tester un parfum qui m'intrigue et donc le résultat sur la mouillette cartonnée ne me satisfait pas. J'aime alors ressentir l'évolution du parfum selons les situations, les circonstances, mon humeur aussi... Car un parfum évolue différemment selon notre humeur! Forcément, notre sang circule différemment lorsque nous sommes énervés ou sereins! J'évite toutefois de trop prendre le métro lors de ces tests, car j'ai également ressenti du rejet de la part de certains voisins de trame pour lesquels un parfum pouvait révéler trop de caractère ou un sillage trop puissant.... Je préfère me promener à l'air libre dans ces cas
Bonjour Virginie,
RépondreSupprimerOui je me souviens t'avoir souvent suivis à la trace...heureusement que cela reste discret,j'espère ne pas ressembler à un chien ;) le gens dans la rue pourraient se poser des questions !
Bonjour La Flore,
RépondreSupprimerEt merci pour tout. Je penserai à ta proposition !
Bonjour Julita !
RépondreSupprimerQue de volontaire !
Mais vous n'imaginez pas que parfois, c'est un vrai calvaire ;)!
Bonjour Clochette de Muguet,
RépondreSupprimerJe comprend également votre angoisse, et je suis heureuse d'apprendre que vous jouez d'un instrument...je comprend mieux votre cadeau d'un instant passé avec la mélodie de Fauré :)
Bonjour Passionez,
RépondreSupprimerOui peut être que la prochaine fois j'éviterai de prendre dans la foulé le métro ! Je pense que le parfum n'avait pas non plus eu le temps de s'évaporer ! C'est amusant, car cela prouve que j'ai davantage l'habitude de sentir les parfums ou les odeurs sur les autres, mais je n'ai pas l'habitude de me parfumer moi-même, excepté dans le cadre du travail...erreur de mode d'emploi ??? ;)
Euh sinon en voyant le titre je t'imaginais en petite tranche de pain prête à plonger dans un jaune d'œuf à la coque.
RépondreSupprimerHi, Celine!
RépondreSupprimerI'm so upset because I don't speak French. Google Translater too. And when perfumes 'talk' with me in French I only can say them - "You are very beautiful, but I don't understand you!")
Bonjour Céline
RépondreSupprimerComme je m'amuse (à mon modeste niveau) à composer des parfums et à parfois les tester "en situation", j'ai déjà connu ce genre de situation...embarrassante.
Je me rappelle d'un matin, dans le métro justement ; j'entends la conversation d'une jeune fille avec son camarade (sans doute des étudiants, la ligne dessert les universités)
Elle : tu ne trouves pas que ça sens la crevette ?
Lui : Bah, non !
Elle : Pas vraiment la crevette, mais la sauce que l'on sert avec les crevettes dans les restos chinois...
La composition que je portait, comportait, entre autres, des citrus (bergamote, citron) et une bonne dose de cardamome. j'ai fortement soupçonné que c'était moi qui sentait la crevette (ou plutôt la sauce crevette) avec cette association.
Du coup, je n'ai jamais oser porté à nouveau la bestiole comme tu dis !
Bonjour La Flore,
RépondreSupprimerDéformation de cuisinier ! :) Bien beurrée la petite tranche de pain !! J'ai bien l'image en tout cas,de ma pomme piquant un plongeons dans une piscine jaune. Miam. toi qui voit avec tes yeux ;)
Hi Alex!
RépondreSupprimerI am so sorry, but my english is really not good enought to translate all my perfumer vocabulary...and it will take me too much time also ! :) Maybe later...if I find somebody who would like translate my post ??
Bonjour Gnou,
RépondreSupprimerJe ne suis pas sur que citrux + cardamome cela fasse crevette ! Cuisine exotique indienne peut être, saveur de thé un peu amère car trop infusée ? Rassure-toi, c'etait peut être la veste de quelqu'un dans le même coin que toi !
Mais je comprend ton malaise. Quand on se parfume on souhaite "séduire" son entourage en general, et non le dégoûter !! surtout quand on en est l'auteur ...
Dernièrement, dans le bus, j'ai chassé du nez une odeur agréable. Elle me rappelait Manoumalia (les nez) de Sandrine Videault, quelque chose qu'on aurait oint sur les cheveux ou mis sur la peau comme un crème. Une odeur agréable de fleur blanche crémeuse, de santal avec des accent de sciure, corcée par une note qui rappelle les cheveux sales voire même un peu brûlé. J'ai cherché quelqu'un "des îles" dans ce bus allemand, et je pense avoir trouvé qui était la personne.
RépondreSupprimerMalgré et grâce à son côté dissonant et naturel, le parfum avait des allure de doudou olfactif et m'a détendu, qu'importe qui le portait. L'odeur était en sourdine, mais très présente. A la fois matrone couillue, et très maternelle.
Je pense que pour le test de la mouillette géante, il faudrait un produit "test". Un grand classique, ou une odeur doudou, pour voir si les rictus habituels des parisiens s'adoucissent, et que leur regard se perdent, songeurs.