Métro bondé. Solde de janvier.
Ligne 13, destination Saint Denis. Ça monte, ça descend. Une odeur remplace une autre. Une vie, un appartement, une habitude culinaire à chaque fois.
Fin de journée au creux du train, campés sur nos pieds, car c’est l’heure de pointe. Phénomène ordinaire de chaufferette humaine, la température est élevée. L’ambiance morne, mais électrique. En outre, nos corps, engoncés et comprimés, ont été aiguillonnés toute la journée par un permanent soucis d’efficacité, afin d’achever dans les temps le dossier absolument indispensable et s’élancer dès que possible, à l’autre bout de Paris, où nous avons repéré tel accessoire absolument indispensable pour se sentir belle et battante. A présent, bourse dégarnies, sac lesté et cœur comblé, c’est le retour au bercail, direction l’ordinaire : courses, parce qu’il manque toujours un truc dans le frigo, enfants, à la sortie d’école, pain, à la boulangerie et bonjour, aux voisins du quartier que l’on croise en chemin.
Ce matin, avant de nous aventurer dans les rues glacées de la ville pour atteindre pieds transis la gueule chaude du métro, nous avons empilé les épaisseurs. Dont l’énorme manteau, un peu raide, l’interminable écharpe en tricot, armure molle contre les frissons désagréables dans le cou, et, pour parfaire notre besoin d’accumulation, le bonnet, vissé aux oreilles. Une gravure de l’élégance efficace, qui hésite entre le sac à patate et la planche à pain, suivant notre corpulence.
Pourtant, sans nous en douter, nous trimbalons également, cadet de nos préoccupations immédiates, une flopée de passagers clandestins invisibles mais volubiles, dissimulés au cœur des fibres textiles de nos vêtement, dotées de merveilleuses vertus absorbantes. Un savoureux râtelier, composé d’une myriade de molécules évanescentes, ambassadrices éloquentes de notre substantielle empreinte odorifère. Suave stigmate de nos habitudes gastronomiques, de nos manies de nettoyages et de rangements, favorisé en cette saison par le manque évident d’air pur et frais, car nous nous cloîtrons frileusement, fenêtres verrouillées, afin de préserver la chaleur confinées de nos appartements.
Lorsque le temps est particulièrement froid, comme en ce moment, nos rues sont presque inodores. Effet de contraste parfois violent, des mélanges étonnants s’évaporent soudain dans le tunnel du métro, grâce à la chaleur naturelle dégagée par la masse de nos corps soigneusement empaquetés, ponctués de quelques pics d’échauffements sporadiques, lors de brèves circonstances de stress, d’impatience ou d’irritation. Comme nous avons pris soin involontairement, d’engranger chaque jour sur nos habits moult strates d’effluves disparates, nous partageons finalement l’air de rien, nos diversités, dans une bouillonnante et généreuse communauté odorante.
Maintenant, pressée contre mes voisins de rame, les jambes immobilisées par les sacs gonflés de bonnes affaires à moitié prix, j’aspire à petites goulées, à chaque arrêt lorsque les portières s’ouvrent, les odeurs tièdes et discrètes des blousons, écharpes et tignasses, expressions parfumées de nos diverses modes de vie en hibernation.
Céleri rave. Viandox et crevettes séchées. Crackers aux fromages. Yogourt au cumin. Huile de friture. Beurre noisette. Tomates au four...
Je devine les personnes qui habitent un petit appartement, où les vêtements courants sont sans doute accrochés à une patère non loin des fourneaux, et ceux qui ont la possibilité de les suspendre dans une armoire, parfumée ou non, à l’abri des miasmes gourmands. Ceux qui travaillent dans la restauration et, dont les cheveux sont oints du menu du jour. Je perçois par petites touches éphémères, les spécialités asiatiques, les douceurs miellées Nord Africaines, la saveur d’arachide du Mafé, celle croustillante des bananes Plantains, la fadeur sucrée de l’oignon, le relent musqué du fromage fondu. Je sépare la cuisson au beurre de la cuisson à l’huile. Je remarque aussi les accros du tabac qui n’aère pas.
En général nos odeurs de bouffe, nous gênent moins que nos odeurs corporelles. Sauf, quand nous transportons sur notre veste la signature du petit restaurant situé à deux pas du bureau. On savoure avec plaisir l’assiette posée devant soit, mais on ne souhaite pas trimbaler en prime un « doggy bag » embaumé, agrippé pour le reste de la journée à nos épaules, et qui n’évoque pas notre routine de cuisine.
Ligne 13, destination Saint Denis. Ça monte, ça descend. Une odeur remplace une autre. Une vie, un appartement, une habitude culinaire à chaque fois.
Fin de journée au creux du train, campés sur nos pieds, car c’est l’heure de pointe. Phénomène ordinaire de chaufferette humaine, la température est élevée. L’ambiance morne, mais électrique. En outre, nos corps, engoncés et comprimés, ont été aiguillonnés toute la journée par un permanent soucis d’efficacité, afin d’achever dans les temps le dossier absolument indispensable et s’élancer dès que possible, à l’autre bout de Paris, où nous avons repéré tel accessoire absolument indispensable pour se sentir belle et battante. A présent, bourse dégarnies, sac lesté et cœur comblé, c’est le retour au bercail, direction l’ordinaire : courses, parce qu’il manque toujours un truc dans le frigo, enfants, à la sortie d’école, pain, à la boulangerie et bonjour, aux voisins du quartier que l’on croise en chemin.
Ce matin, avant de nous aventurer dans les rues glacées de la ville pour atteindre pieds transis la gueule chaude du métro, nous avons empilé les épaisseurs. Dont l’énorme manteau, un peu raide, l’interminable écharpe en tricot, armure molle contre les frissons désagréables dans le cou, et, pour parfaire notre besoin d’accumulation, le bonnet, vissé aux oreilles. Une gravure de l’élégance efficace, qui hésite entre le sac à patate et la planche à pain, suivant notre corpulence.
Pourtant, sans nous en douter, nous trimbalons également, cadet de nos préoccupations immédiates, une flopée de passagers clandestins invisibles mais volubiles, dissimulés au cœur des fibres textiles de nos vêtement, dotées de merveilleuses vertus absorbantes. Un savoureux râtelier, composé d’une myriade de molécules évanescentes, ambassadrices éloquentes de notre substantielle empreinte odorifère. Suave stigmate de nos habitudes gastronomiques, de nos manies de nettoyages et de rangements, favorisé en cette saison par le manque évident d’air pur et frais, car nous nous cloîtrons frileusement, fenêtres verrouillées, afin de préserver la chaleur confinées de nos appartements.
Lorsque le temps est particulièrement froid, comme en ce moment, nos rues sont presque inodores. Effet de contraste parfois violent, des mélanges étonnants s’évaporent soudain dans le tunnel du métro, grâce à la chaleur naturelle dégagée par la masse de nos corps soigneusement empaquetés, ponctués de quelques pics d’échauffements sporadiques, lors de brèves circonstances de stress, d’impatience ou d’irritation. Comme nous avons pris soin involontairement, d’engranger chaque jour sur nos habits moult strates d’effluves disparates, nous partageons finalement l’air de rien, nos diversités, dans une bouillonnante et généreuse communauté odorante.
Maintenant, pressée contre mes voisins de rame, les jambes immobilisées par les sacs gonflés de bonnes affaires à moitié prix, j’aspire à petites goulées, à chaque arrêt lorsque les portières s’ouvrent, les odeurs tièdes et discrètes des blousons, écharpes et tignasses, expressions parfumées de nos diverses modes de vie en hibernation.
Céleri rave. Viandox et crevettes séchées. Crackers aux fromages. Yogourt au cumin. Huile de friture. Beurre noisette. Tomates au four...
Je devine les personnes qui habitent un petit appartement, où les vêtements courants sont sans doute accrochés à une patère non loin des fourneaux, et ceux qui ont la possibilité de les suspendre dans une armoire, parfumée ou non, à l’abri des miasmes gourmands. Ceux qui travaillent dans la restauration et, dont les cheveux sont oints du menu du jour. Je perçois par petites touches éphémères, les spécialités asiatiques, les douceurs miellées Nord Africaines, la saveur d’arachide du Mafé, celle croustillante des bananes Plantains, la fadeur sucrée de l’oignon, le relent musqué du fromage fondu. Je sépare la cuisson au beurre de la cuisson à l’huile. Je remarque aussi les accros du tabac qui n’aère pas.
En général nos odeurs de bouffe, nous gênent moins que nos odeurs corporelles. Sauf, quand nous transportons sur notre veste la signature du petit restaurant situé à deux pas du bureau. On savoure avec plaisir l’assiette posée devant soit, mais on ne souhaite pas trimbaler en prime un « doggy bag » embaumé, agrippé pour le reste de la journée à nos épaules, et qui n’évoque pas notre routine de cuisine.
Bonjour Céline !
RépondreSupprimerSherlock mène l'enquête !!!!!
Rien qu'à travers quelques molécules infimes flottant dans l'air vous arrivez à reconstituer quasiment les habitudes ou du moins les dernières heures de parfaits inconnus !
C'est fascinant !
Ce que j'aimerais , c'est sentir ma propre odeur .... Mes filles me disent souvent en sentant un de mes vêtements : mmmhh ça sent toi !!
J'ai beau y fourrer mon nez , je ne sens rien ....
Normal , on ne sent pas sa propre odeur , pourtant je serais tellement curieuse de la connaître !
Bonjour Julita,
RépondreSupprimerOui les habitudes culinaires, et suivant la puissance de l'odeur j'en déduis que les vêtements sont plus ou moins proche de la cuisine...après le reste est affaire d'imaginaire. Comme vous l'avez remarqué j'aime raconter des histoires !!Par contre, sauf si la personne est vraiment sous mon nez, je ne peux pas determiner à qui appartient tel odeur. Mon nez à des limites...;)
Bonjour Céline,
RépondreSupprimerJe redécouvre avec plaisir votre blog et vos chroniques olfactives. N'étant pas nez, de nombreuses odeurs m'échappent mais d'autres me sont tout à fait perceptibles. Dont celles que vous évoquez dans ce billet, qui me font réellement une impression de miroir. Le nombre de fois où j'essayais d'analyser la provenance et l'origine de certaines odeurs, les habitudes de vie des personnes qui les exhalaient. J'adore observer et analyser. C'est un jeu intéressant d'imaginer le quotidien des gens à travers leurs odeurs... tant qu'elles ne sont pas trop nauséabondes, car hélas mon nez semble trop fin à ce niveau-là. Ce pourquoi j'apprécie particulièrement cette saison froide où comme vous dites, existe une certaine neutralité olfactive dans les rues. Je trouve cela particulièrement reposant et cela me permet de mieux détecter d'autres odeurs qui me seraient sinon imperceptibles! La "cacophonie olfactive" citadine est parfois très perturbante et mon nez arrive beaucoup plus vite à saturation qu'à la campagne!
Ah oui c'est vrai que pendant toute cette période froide l'odeur dans les appartements des gens et même dans le mien m'a semblée bien plus forte que d'habitude, que ce soit par contraste avec l'absence d'odeurs à l'extérieur, ou à cause du manque d'aération, ou sans doute les deux. Et je suis fatiguée de ça! J'ai envie d'un rééquilibrage intérieur/extérieur: des rues plus parfumées, des maisons moins saturées! D'ailleurs en ce moment j'ai envie de laver ma doudoune en duvet à la machine, car j'ai effectivement l'impression qu'elle garde les odeurs de chez moi, mais je ne sais pas si c'est possible...!
RépondreSupprimerBonjour Céline,
RépondreSupprimerC'est vrai que l'on aime pas garder les odeurs culinaires sur soi. Je me souviens d'un excellent diner réunionnais chez un ami où rentrée chez moi, j'ai découvert que j'étais imprégnée d'une odeur de friture pas très agréable. Le pire ç'était le lendemain avec mon sac à main qui empestait. Pendant une journée j'ai du cohabiter avec cette intruse qui m'en faisait presque oublier combien je m'étais régalé!
Quand aux soldes, je suis en train de découvrir l'odeur des vêtements neufs en ce moment, car avant de trainer dans notre vie, ils ont une odeur différente suivant le tissu, la provenance, les produits qui ont été utilisés pour le traiter. Je me suis surprise à reposer un vêtement sur le cintre parce que son odeur ne me plaisait pas. Ca va devenir compliqué,j'étais déjà sensible aux couleurs et aux textiles! Alors maintenant que je me laisse mener par le bout de mon nez!
J'ai découvert votre article sur les odeurs du métro parisien, hyper interessant et tellement réaliste (je m'y retrouve tout à fait!) et je suis ravie de découvrir votre blog qui est un plaisir à lire. Merci de ces jolis textes ...
RépondreSupprimerUne question me vient : est-ce purement féminin cette analyse des odeurs du quotidien ?