jeudi 28 août 2014

Entre deux ailes mon nez balance

Avion du soir. 
Paris / Nice
Voix en sourdine telle une comptine
du steward : porte fermée, toboggan engagé, avion plein à craquer et mise en marche de l’air conditionnée.
liqueur sombre du mazout.
épaisse, râpeuse, mauvais sirop pour la gorge.
Je déglutis. Tente de vider mes narines.
tends ma main jusqu’au nombril gris placé au-dessus de ma tête : un demi-tour dans le sens des aiguilles d’une montre pour lui clouer le bec.
Je n’ai pas le droit de me lever pour bâillonner tous les nombrils qui laissent échapper un filet d’air mazouté.
Je me résigne donc
renifle le pet d’avion.

Avion en vol
L’air froid en conserve se faufile entre les sièges. Tricote, mailles à l’envers endroits, un improbable parfum d’effluves humains.
Épiderme cuit et moite de fin de journée
résidus émouvants, des effets du stress, de la fatigue, des miasmes des restaurants, du tabac, du café, camouflés sous quelques sprays furtifs arrachés aux parfumeries tax-free
un truc fossile, douceâtre, comme le petit verre de guignolet servit à l’apéritif.
lavande et cannelle mêlée. En résumé.

Avion posé
La porte s’ouvre. Lourde et lente.
Pluie d’été sur le tarmac. Les vapeurs décollent volutes tièdes du bitume.
un premier baiser effleure mon nez, les eucalyptus sont en fleurs. Résines lumineuses et froides : poivre vert, maïs grillé et framboise.
Maison




NB : Le merveilleux parfum des eucalyptus en fleurs a totalement disparu de l’aéroport de Nice. Tous les arbres ont été abattus afin de bâtir des parkings. Mais, mon nez cherche toujours cette odeur si particulière qui m’accueillait depuis l’enfance. L’aéroport de Nice est aujourd’hui un lieu anonyme, ouvert à l’international, dont la signature olfactive demeure générique et stable.

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