C’est la fin du monde. Le début de l’attente. Je patiente.
Invisibles et inodores, les microbes sont là. Flânent alentour. Prêt à nous bouloter.
Mes enfants sont un met de choix. Un soir, comme tous les soirs, je pose mes lèvres sur leurs fronts d’enfants sages, bonne nuit mes petits. J’interromps mon câlin et mon blaire prend le dessus. Je renifle. Ma fille, comme mon fils, est habituée à ce manège, front immobile, corps tranquille. Son odeur à imperceptiblement changé. Moins sucrée. À peine plus aigrelette avec un trémolo de polenta, une lichette d’amidon. L’enfant couve. Un truc. Je ne sais pas quoi encore, mais je surveille. Je bisoute, fin de partie, la lumière disparait et la nuit peut se poser.
Mes enfants sont un met de choix. Un soir, comme tous les soirs, je pose mes lèvres sur leurs fronts d’enfants sages, bonne nuit mes petits. J’interromps mon câlin et mon blaire prend le dessus. Je renifle. Ma fille, comme mon fils, est habituée à ce manège, front immobile, corps tranquille. Son odeur à imperceptiblement changé. Moins sucrée. À peine plus aigrelette avec un trémolo de polenta, une lichette d’amidon. L’enfant couve. Un truc. Je ne sais pas quoi encore, mais je surveille. Je bisoute, fin de partie, la lumière disparait et la nuit peut se poser.
Le lendemain au réveil, l’odeur a disparu. Fausse alerte en apparence. Cartable et bonnet, en route pour l’école. Puis, l’après-midi un coup de fil. Le cordon fait signe. Votre fille à de la fièvre, elle dort, épuisée, la tête posée sur le coin de son bureau. Faudrait venir la chercher. Évidemment.
À l’école, je reçois un petit paquet tout chaud, mais sans l’odeur familière de croissant. Commué en miasme. Âpre et rance. Poisseux, comme un sirop trop cuit, rêche, comme une lime à ongles. Ma fille est dévorée par les germes de la gastro, plus un autre truc que je ne reconnais pas. Une inconnue, au parfum d’infusion de gazon trempé dans du lait de coco. Exotique, mais déroutant.
Deux jours plus tard, l’odeur verte et grasse infusée dans le lait de coco enfle tant et si bien au gré des sautes d’humeur de la température, qu’inquiète, enfin, je finis par échouer chez le médecin, Le Jour de la Fin du Monde. Maintenant. Et mon nez, avant même d’ouvrir la porte qui donne accès à la salle d’attente, se désespère. Aspire sans délai à la fin des temps. Au silence olfactif, pour une fois, juste une seule fois, et ensuite on pourra remettre le son…Car il y a un Homme derrière cette porte. Un type, viril, puissant, bardé dans une armure de Cologne. Des rivets agressifs de bergamote et le dihydromyrcenol soudés sous plusieurs couches d’allyl amyl glycolate, renforcé d’adoxal et d’essence d’armoise, protégé d’un immense bouclier de musc argent et de résines sable, armé enfin, d’une interminable lance de bois de synthèse, implacable, rugueuse et inflexible, vive le karanal… ! Je crie, grâce ! Cesse de m’estourbir et décolle-toi de mes narines !! Que nenni, s’écrit l’indécelable de la salle d’attente. Car mes yeux ne voient rien, quand mon nez englobe tout. Je découvre intriguée l’absence d’homme dans cette pièce exigüe, uniquement encombrée de femmes, de microbes et d’enfants malades à l’odeur fluette de farine et de pain perdu. Je m’assois sur le seul siège encore libre et écoute d’une narine distraite le radotage olfactif du fier guerrier. Le parfum mâle me poursuit dans l’antre du toubib. Volette autour de moi tandis que je règle la consultation, m’accompagne jusqu’à la sortie de la maison médicale et rapplique dans ma voiture, tandis que je prends le large vers la pharmacie. Au feu rouge, je m’interroge. Mon nez serait-il devenu incapable de s’autonettoyer, mes neurones seraient-elles en pannes de vélocités et mon cerveau tournerait-il fixette ? Arggggg !
Le parfum masculin m’empoigne, viol mon conduit nasal et s’installe, sans sourciller, dans l’antre de mon bulbe olfactif ! Fin de partie. Mon univers odorant est dévoré par le parasite. Virus. Écran Noir et dernière odeur : l’eau de toilette top-ten de cette fin 2012. Vaincue, je tombe sur mon volant et pose mon front sur le plastique dur et froid. La fragrance est encore plus forte, terrible et coupante. Étrange tout de même, à ce point-là. Je devrai plutôt percevoir les effluves fades de ma voiture, ceux du polymère gris et inerte. Poussière anisée et électricité statique : floralozone et lyral. Ben, non. Juste le molosse en armure d’aromates. Nez sur le guidon, je hume par petite touche. Centimètre après centimètre. Et découvre ahurie, que mes mains sont tout simplement barbouillées de parfum masulin, glané sans doute sur les accoudoirs du fauteuil de la salle d'attente. Finalement ce n’est pas la fin du monde, mais un simple accident de parcours entre microbes et hystérie mono-manique...
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