Un jour de la semaine avant l’heure d’ouverture des bureaux.
J’ai rendez-vous dans cet arrondissement parisien où les avenues sont larges, les immeubles cossus et l’élégance discrète. Le soleil matinal éclabousse les allées du Parc Monceau humides de l’ondée survenue au cours de la nuit et offertes à cet instant aux petites foulées matinales.
L’air est frais. Piquant.
Chatouillée, je savoure une fine odeur de terre mâchonnée par les eaux de pluie, un remugle de tabac détrempé, aussitôt englouti par la marée nauséabonde des déjections des toutous du quartier s’adonnant sur les trottoirs. Je dépasse un caniveau où traine une odeur de vinasse. Nulle bouteille brisée aux alentours. Aucun étron, ni mégot. Juste quelques feuilles de platanes tombées au sol au cours de l’averse et qui broyées sous mes pas, évoque le relent discret du gant de toilette flapi. Tout est nettoyé, harmonieux, à sa place. Pourtant, les odeurs sales omniprésentes me dérangent.
Dans le Parc les joggers trottinent, en rond. Je m’assois sur un banc et contemple leur effort. Petites foulées régulières, visages fermés et bras serrés. Parfums déo et sueur saine première pression à chaud. Un tour, puis deux, tous les coureurs évoluent dans le sens des aiguilles d’une montre et déploient dans leur dos un sillage irréprochable, boisé, musqué ou fleuri, tel un immense ruban opaque brodé de sequins argentés. Chaque élément est à sa place. La cadence régulière et soutenue. Mais l’odeur de propre me dérange.
Ce quartier raffiné du 17em refoule un effluve de circonstance. Sans surprise, ni tapage. Tiroirs bien commodes et étiquettes de rigueur : linge amidonné et crottes de chien.
J’ai le nez mal luné ce matin.
Ah ! Les joggeurs qui joggent ! Merveille ! L'odeur hi-tech de la gomme à Nike (ou à Diddas), dont les molécules lourdes d'hydrocarbures, mêlées au bitume trempé de pluie, montent en spirales caoutchouc à chaque tour de piste. Leur shorts acryliques, leur cadrans électroniques, leurs MP3 canoniques hurlants de Db et décrassant leurs oreilles, tout cela ne participe-t-il pas aussi de cette étrange fragrance sportive dont vous décrivez les contours ? (Question : comment rendre une odeur hi-tech en parfumerie ? Acier, électronique, ozonée ? Je trouve que la baie St Thomas, en huile essentielle, sent le scalpel de dentiste et la gomme synthétique, c'est étrange. Et peut-être un début.)
RépondreSupprimerBonjour NLR,
RépondreSupprimerLa baie St Thomas est un scénario à elle toute seule, comme souvent les huiles essentielles qui sont des materiaux bavards et chahuteurs. La baie hume également le sang, frais. Pour la pluie, la gomme des tennis, la transpiration du bitume: un accord Isobutyl Quinoleine, Hélional et C14...rien de bien raffiné ;)Pour un parfum d'acier, electronique: octine carbonate de méthyl+ aldehyde C11 par exemple.
Un début également...
Génial... Vous dites ça avec un naturel et une décontraction qui me laissent sans voix. Tout autant qu'ils me donnent la mesure du chemin qui me reste à parcourir pour éclairer un peu ces mystérieuses arcanes. Je prends des notes donc ;-)
RépondreSupprimerPour le côté chahuteur des HE je suis bien d'accord : certaines, comme le vétyver ou le rhododendron, sont des parfums à elles toutes seules (tête, coeur, fond, etc). Sacrément difficile à maîtriser en mélange donc. (J'en suis à procéder selon la (fameuse?) méthode Carlé pour voir ce que ça donne, la méthode des quantités croisées à la goutte près pour les accord à deux, trois ou quatre... C'est assez fastidieux mais on apprend beaucoup. Il me semble que les molécules synthétiques, plus linéaires et monolithiques, sont d'un abord plus simple, quoique parfois elles ne sentent pour certaines presque rien au début, et ensuite tout se développe, avec une persistance insoupçonnée (la calone par exemple, même à 10%, wow faut faire attention !... :-)
j'ai débuté en ajoutant des gouttes dans des pots à confiture ! Aujourd'hui ce ne sont plus tout à fait les mêmes recettes :)) Je ne connais pas d'essence de rhododendron...Quand à la calone c'est une dévoreuse, qui si on l'utilise que pour sa note marine/huitre et autres moules, n'a rien d'autre à dire de bien intéressant et monopolise la conversation !! A très faible dose cependant on peut l'exploiter pour donner du jus aux notes fruités. Les matières synth. sont linéaires et émettent la pus part du temps un seule son. Elles ont l'énorme avantage d'être fidèles ! Ont peut donc s'appuyer dessus et bâtir autour. Un résumé très, très, succin et un peu caricatural. La formulation en parfumerie n’obéit pas à des règles prêtes à l’emploi, réchauffée en 3mn au micro-onde ;)Comme vous l'avez remarqué dans votre post, ce n'est ni de la cuisine, ni de la musique, ni de la littérature...quoique je penche plutôt pour le dernier!
RépondreSupprimerAh vous ne connaissez pas le rhodo en h.e. Tiens. Je crois en effet qu'ils n'en n'ont pas (enfin pas encore) chez Robertet ni Biolandes. Pour ça il faut aller dans le val de Travers, dans le fond de la haute Suisse, tout en haut en haut, près des nuages et de la neige (dont vous décrivez si bien les premières tombées olfactivement). Vous trouverez là-haut du rhodo, bien sûr, mais aussi de la jusquiame noire, du palenfrain, de la graine de sinistre, du bois de ski, et même, chez certains producteurs, de la coluthe véritable. Je ne vous le dis qu'à vous, hein, mais ça va devenir la mecque des chasseurs de tendances, le Val de Travers. La parfumerie de demain est là-haut. Si si.
RépondreSupprimer(La calone qui "monopolise la conversation", I love that expression ! ;)