jeudi 17 janvier 2013

Cimetière 2

Novembre. Cimetière et Halloween. Tombe et citrouille.
Un post au jus de trouille !
Souvent, je me suis amusée à créer des parfums de minerai, des odeurs de potiron. J’essaimai au long des couloirs, entre les bureaux, par-dessus les étages, mes petits pots parfumés rangés dans mon panier, déterminée à les glisser sous le nez des évaluatrices ou des commerciaux. Qu’en pense ton nez ? Il est frais mon caillou ? Et ma citrouille, n’est-elle pas gironde ? Si, si, ça sent bon, mais à quelle fin ? Bah ! Des objets de cire, pourquoi pas. Mèche et bougie. Petite flamme et ambiance marine pour l’un, fleur des îles pour l’autre. Ne cherchez pas une signification quelconque, ce sont des histoires de marketing. Mes parfums de météorite ou de kryptonite connurent un succès d’estime qui n’a pas dépassé le seuil de l’entreprise : rigolo, hyper créatif, mais impossible à porter. Imaginez-vous affublé d’un pull de roche…ça gratte un peu, non ?
Novembre. C’est l’anniversaire du cimetière.
À Paris le Père-Lachaise s’étire au soleil, son odeur est douce, un peu miellée, rassurante. Le cimetière de Montmartre git au fond d’un trou, à l’ombre. Les chats sont nombreux. L’odeur de la pierre et de l’humidité fiche la trouille.
N’ayez pas peur. Attardez-vous dans les cimetières, rendez visite aux meubles immobiles : asseyez-vous sur une tombe en demandant auparavant la permission à la personne qui se trouve en dessous.
Respirez l’ambiance. Rien de morbide.
Souvent ces lieux, ouvert et uni, sont balayés par les vents, les courants d’odeurs. Les parfums s’en donnent à cœur joie. Combinaisons spontanées, hasardeux mélange minéral et végétal, d’ombre et de lumière.
Si vous souhaitez fuguer à l’automne, rendez visite au vieux cimetière du village de Château-Double dans le Var. Celui-ci tangue sur un éperon rocheux au-dessus d’une gorge fine qui mène jusqu’à la mer. Les tombes sont usées par la pluie drue et le soleil cru, les ronces forment dentelles et les cyprès larges et noirs, veillent, tels des chevaliers sans peur et sans reproche. La grille d’accès grince comme au cinéma et, sous vos pas, le gravier blanc croustille dans le silence comme des brisures de gâteau sec. La nuit, je n’irai pas. Trop la trouille. Mais un beau jour de novembre, le lieu est propice à la rêverie olfactive. La fumée des feux de broussailles se tortille jusqu’au sommet du promontoire évoquant des odeurs de coton, de jeans, de tarte aux mûres, et de bacon grillé. Les ronces libèrent à chaque frottement contre les pierres tombales un parfum de tabac et de noix de coco que je traduis aussitôt par Héliotropine + Gamma Octalactone. Une narine sur la brèche, le vent me taraude. Mon nez se refroidit rapidement et je ne sens plus rien. Je m’éloigne de la bordure de pierre qui retient les tombes en lisière du vide et je m’installe au soleil sur un rectangle de granit anonyme. Je papote un peu avec son occupant tout en me traitant de fofolle superstitieuse. La végétation alentour arborent ses plus beaux atours, tonalités citrouilles et amarante, tandis que je discerne l’amertume pamplemousse, caractéristique des térébinthes qui pullulent dans cette région. Non loin de mon épaule, un bosquet noir de laurier « sauce » pulse des vagues aromatiques. Je me rends compte que l’odeur du laurier est très proche de la saveur de la cardamome saupoudrée de cannelle. Une bourrasque m’apporte un reliquat de chêne sombre et moite, vétiver et helional, un vestige de bois de cade, résine et vanille, un savoureux effluve de lentisque, pointu et vif comme un combava. J’imagine le vent s’engouffrant dans le défilé, frottant les aspérités, ricochant sur les parois tandis qu’il dérobe pêle-mêle les sucs et les feuilles, les poussières et les brindilles, pour disperser à la fin de sa course, chaque jour en toutes saisons, son chapardage sur les stèles. Offrande évanescente. Âmes insaisissables s’abstenir.
Repue d’odeurs et de soleil, je ferme les yeux et m’assoupit. Soudain, mon nez toque et désosse une volute inédite, artificielle et chantournée : une eau de toilette. Ah ! Mais que vient-il faire ici celui-là ? Pas moyen d’être tranquille. Une femme. Anthranilate de méthyle, salicylate, musc macrocyclique, harmonie ambroxan/sandalore, labdanum en trace. Moderne….ou tendance vintage. Chloé, Amaridge, J’Adore…. Paupières closes, je consulte ma liste perso dans mon fichier cerveau, menu EdT, égrenant les possibles, éliminant au fur et à mesure les différents candidats qui s’affichent sur l’écran de ma mémoire olfactive à raison d’un détail, fruit, patchouli, rond, tubéreuse, lys, qui concorde ou non, avec les signes ténus qui s’échappent du ruban odorant qui s’effiloche, invisible, entre les pierres tombales. Intriguée, je décide de jeter un œil sur la visiteuse et de me lever afin de poursuivre mon chemin. Je ne souhaite pas être prise en flagrant délit de sieste dans un lieu de mort, quand j’interromps mon geste, en équilibre genoux fléchit, puis retombe assise et indécise, car il n’y a personne.
Juste un fantôme de parfum.









9 commentaires:

  1. Un billet inspiré, Céline. Trouille et ambroxan, joli cocktail. Quelle est l'odeur de la trouille d'ailleurs ? Il est dit que le corps secrète de l'adrénaline quand on a une peur bleue. Une idée : Cyprès bleu + Aldéhyde C11 + Aldéhyde C12 + bay pour la note sang qui monte aux tempes... Ah oui, sans oublier de l' he. de graine de citrouille, évidemment. Sans quoi la peur ne serait pas la peur :)

    Intéressants vos essais sur les cailloux. J'espère que vous n'avez rien jeté, il faut garder ça ; ça peut servir ! Pour ma part j'essaie de trouver un truc pour l'odeur de la terre retournée, vous avez une idée ? Il y a bien une molécule, qui s'appelle la géosmine (C12 H22 O, avec deux groupes méthyle), responsable de l'odeur de la "nature après la pluie quand il a fait chaud" (plus intéressante et terreuse que l'hélional, avec une note poussière/moisi très réaliste), mais elle est IMPOSSIBLE à acquérir pour les parfumeurs, même pros. C'est la molécule odorante au pouvoir odorant le plus puissant qu'on puisse trouver. On ne l'utilise hélas que dans un cadre de recherche scientifique (en plus elle ne se conserve qu'entre 4 et 8 degrés de façon stable...). Pas de chance :(

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  2. Bonjour NRL,
    Alors que je vous explique ce qui se passe dans ma tête quand je cite des matières premières synthétiques ou naturelles. Je ne cherche pas la molécule ou l'huile essentielle qui se raproche le plus de l'odeur qui me passe sous le nez, mais qu'elle association je peux imaginer pour provoquer cette odeur. Je ne cherche pas la réalité, le figuratif, mais je souhaite éveiller un sentiment, une intention. Helional+ vetiver me permet de transposer le parfum de l'humidité et du mineral chaud. Je reflechis ainsi, car sans doute, je n'ai aucune connaissance en chimie moleculaire, ainsi C12 H22 O, ne signifie absolument rien pour mon nez ou mon cerveau. Aucun écho. A l'époque où je m'amusais sur les odeur de cailloux, je travaillais avec une MP synthétique le Rootanol, à l'odeur caractérique de betterave. Il en possedait le coté terreux, la poussière, la chaleur, l'humidité et en même temps un parfum de mélasse, de muscovado. Aujour'hui je ne l'utilise plus car je me suis rendu compte avec le temps, et les nombreux essais, que cette matière ne sentait pas bon sur la peau et qu'elle me tirait les autres materieux vers le bas, coté sombre et raplappla.Mais je me suis bien amusée. Les odeurs de cailloux furent une première étape pour comprendre et saisir l'odeur minerale, l'odeur du sel,de la porosité. Par la suite, j'ai crée "sel de vetyver" chez the different company. Croisement d'un caillou et d'une infusion de racine de vetiver que je buvais chez une amie passionnée par l'Afrique. Afin de retirer le goût de chlore de l'eau du robinet, elle infusait dans sa carafe quelques filaments d'une racine de vetiver.Le parfum etait doux, rafraichissant et étrangement salé...
    Quand à l'odeur de la peur....je ne sais pas. Je ne me suis jamais posée la question.Sans doute parce que j'ai la chance de ne pas l'avoir croisée.

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  3. Et pour les odeurs de terre : patchouly, Ionone beta, vetiver, corps racine vs, mousse arbre chene et metra ( evernyl), indol,bois de gaiac, ambroxan, castoreum....à combiner entre eux, auquel on ajoute des trace d'humidité : melonal, helional, cis-6 nonenol,acetate de PTBCH, nonadienol, fenouil, badiane,petit grain...
    Liste non exhaustive car tout est à inventer ! :)

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  4. Oui, Céline, je crois bien que pour l'heure j'en suis un peu comme à vos commencements : dans la phase amusements, essais, et bien sûr liberté sans contrainte. J'explore, je tente, je louvoie entre l'abstraction et le figuratif. Mais comme je ne possède pas votre expérience et votre bibliothèque olfactive, je suis plus pragmatique et terre à terre que vous ne l'êtes. Mon approche est pour l'instant analytique, je décortique et j'essaie de reconstruire. Alors que vous, avez la possibilité de poétiser avec la matière. Je n'en suis pas encore là mais j'y travaille :) Cela dit il est possible que les femmes soient plus intuitives en parfumerie aussi, moins analytiques et "carrées" que les hommes. Je crois que votre papa est plus féru que vous en chimie par exemple :-))

    Votre Sel de Vétiver est une réussite. Je suis ravi d'en lire ici l'origine :) Le vétiver, surtout celui d'Haïti, est déjà tellement un parfum en soi, qu'il n'est pas facile, je trouve, de lui apporter quelque chose qui ne le défigure pas un peu, gâte son identité. En optant pour cette note saline, vous avez conservé son intégrité. Personnellement je trouve que l'ambroxan se marie très bien avec le vétiver, ça lui donne un aspect marin, une ligne d'horizon. L'été dernier je me suis fait une petite eau avec juste du vétiver, de l'ambroxan et de l'iso E super. Mix à 8% dans de l'alcool à 80°. Top frais (même sans hespéridé en tête ni rien)

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  5. Bonjour NLR,
    A aucun moment je n'ai souhaité critiquer ou juger votre approche, mais plutôt vous exposer la mienne, car en lisant votre premier commentaire je me suis rendue compte que nos niveaux de lectures etaient différents. Ce qui est très bien ! :) Chaque parfumeur possède sa propre grille de lecture, la mienne n'est absolument pas meilleure qu'une autre. Simplement c'est la mienne, et, à la différence de la majorité des parfumeurs je l'expose et je tente de l'expliquer dans ce blog. par pour en faire un exemple à suivre, mais bien justement pour pour que les lectrices et les lecteurs puissent se faire leur propre opinion.Si vous êtes analytique tant mieux, vous verrez des choses invisible à ma pensée.Rien à voir avec une histoire de sexe...n'essayez pas de me flatter :))) ! Quand à mon papa, je ne suis pas dans sa tête, donc, je ne sais pas.....

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  6. A aucun moment j'ai pensé que vous jugiez quoi que ce soit Céline :)

    Ah, tenez, au fait, votre Sel de Vétiver est à l'honneur ici :
    http://tmagazine.blogs.nytimes.com/2010/05/11/scent-notes-ocean-currents/#more-75867

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  7. Ouf ! :)) Ca me rassure !
    Et merci pour le lien ;)

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  8. Souvenir terrifiant de ce cimetière de Château-Double sous le soleil torride il y a 35 ans. Site magique comme tu le décris et dans un coin pas de fantôme mais une fosse à ciel ouvert, fémur avec chaussette, crâne à poils roux etc...
    Contrairement au cimetière marin de Sète ou à celui de Spéracèdes j'y ai senti la morbidité.Heureusement,je n'ai pas gardé la formule.
    A bientôt, on parlera de frites au blanc de boeuf, c'est plus léger.

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