jeudi 16 mai 2013

Anosmie et Espadrilles

Impossible d’entendre les odeurs, car le vent se lève.
Les mailles se resserrent et se chargent d’un relent électrique de sève acide, d’eau emprisonnée dans la mousse des rivières. Vingt minutes plus tard, la pluie tombe, et les nuages chargés de particules délestent une étrange odeur de poussière céleste. Un parfum d’espadrille. Je déploie mon parapluie et contemple mes pieds chaussés de cuir. Talon pointe, talon pointe, entrechat sur le fil du trottoir, je sens sous la pluie. L’haleine grasse des pavés et du cuir détrempé de mes souliers, celle surannée sucrés de mes pantalons humides et, au-dessus de ma tête, la vibration grinçante de la toile synthétique qui m’épargne l’averse. Je ferme mon parapluie et tends mon visage vers les gouttes. L’odeur d’espadrille à disparue. J’éternue.
Anosmie.

mardi 7 mai 2013

Cannes Festival

J'ai quitté Paris.
Maintenant je demeure dans le Sud.
Celui de l’Est
Car évidemment, en France il existe plusieurs Sud. L’accent n’y est pas le même, les gens, les paysages et les odeurs offrent des profils distincts. La cuisine se singularise. Il ne faut pas confondre. Nous recevons des amis, heureux de venir nous retrouver dans cette région de carte postale. Nous offrons le soleil et ils nous apportent les nouvelles de Paris. Échange de bons procédés. Parmi les visites touristiques incontournables, il y a la mer en fin de journée quand la chaleur s’apaise et que l’on peut flâner sur la promenade qui borde le rivage sans crainte de rôtir. Nous sommes à Cannes. Avant l’ouverture du Festival. Les stars sont déjà au rendez-vous. Elles défilent sur des podiums invisibles, m’enlacent, m’embrassent, abandonnant à leur passage fabuleux quelques traces fraîches de fards indélébiles. Je me fais l’effet d’un photographe tentant de capturer en un flash l’instant fugitif d’une silhouette, d’un sourire. Les vedettes sont nombreuses et parfois, je les confonds avec leurs doublures. Bien sûr, les starlettes sont au rendez-vous, aguicheuses et irrévérencieuses ; les figurants nombreux, les indépendants beaucoup plus rares. Je fronce le nez, agréablement agacée par tant d’aller et venues. Sur cette célèbre avenue, aux pieds des marches du palais tendues de rouge, une foule d'anonymes arborent le clou évanescent d’une tenue vestimentaire soigneusement élaborée. Impossible pourtant de déterminer avec précision à quelles mouillettes géantes endimanchées appartiennent tels ou tels parfums. Je tente de discerner une corrélation entre le style affiché et le parfum exposé, mais en vain. Cette eau de toilette froufroutante ne coïncide pas vraiment avec la jeune femme qui déambule en santiag sous mon nez. Les parfums, en cette courte saison, sont à l’image du Festival de Cannes : clinquants, sophistiqués et outrageusement bruyants ! Mon nez s’amuse comme un beau diable et je n’en finis pas de jouer aux devinettes "tu sens qui ?", à tel point que j’oublie de répondre à mon amie qui me demande pour la troisième fois où avons-nous projeté de diner….ben je ne sais pas, je me nourris de parfums pour l’instant, tu en veux un peu, il y a l’embarras du choix ?