Me voici comme presque chaque dimanche, à l’heure de l’après sieste des tous petits, assise, silencieuse, à contempler ma progéniture courir en tous sens, et lâchant de-ci de-là, sans raisons apparentes, des cris stridents de joie et de peur mêlées. C’est d’un ennui….
Pourtant, j’ai de la chance, car il ne fait pas encore trop froid en ce début d’automne, la lumière est douce et apaisante. Songeuse, je compte la fréquence des gamelles, et le nombre de bouches soudainement ouvertes sur un cri scandalisé « je-m’a-fais-mal-maman ». Je repère les coups d'épaules et autres tatanes à l’insu des grandes personnes, et je mesure combien cet univers lilliputien est redoutable. Lorsque je me suis lancée dans la grande aventure à deux, de faire des enfants, j’avais imaginé de nombreux scénarios comportant moult scènes de plaisir, d’engueulade, de rire, de responsabilités, mais je n’avais pas envisagé celle qui revient en boucle : l’après-midi au square du quartier, parce qu’il ne reste plus beaucoup de temps entre la fin de la sieste, et le début du bain/repas/dodo du soir. Mais comme tout bon parent qui se respecte, j’enfile blousons et chaussures et, en route ma poule, dehors tout le monde afin de prendre l’air, quitte un brin dans le coin, pour dépenser le trop plein d’énergie accumulée dans les petites jambes et les petits poumons !
Le Square, donc.
Long et étroit rectangle de verdure bien ordonnée, aux allées de graviers régulièrement ratissées, délimité par quelques arbres soigneusement taillés et encadré par la ligne d’immeubles en briques rouges de mon quartier. A la proue, on trouve le vieux kiosk qui ne musique plus du tout, mais qui résonne des conversations d’ados qui échangent le dernier single indispensable, sur leurs MP3. En poupe, coté piaillements, un quadrille de bancs publics, jamais assez nombreux cependant pour accueillir tous les parents abandonnés, qui couvent d’un œil vague la marmaille bruyante, déboulant parmi les éléments de la minuscule maison de Crusoé des villes. Assemblage de bois, plastique rigide et cordes synthétiques, défiant toutes les normes de sécurité Européenne, prolongé par deux toboggans en aluminium froid. Et pour recevoir les petites fesses aventurières, un sol en caoutchouc absorbant, qui parfois fait pouic, quand on marche dessus pour secourir notre bambin. A chaque pouic, un petit jet de gaz odorant qui rappel l’odeur de la chambre à air des vélos de mon enfance, et la crème Mitosyl.
Assise sur mon banc je me tortille comme une gamine impatiente, car la guinguette, pourtant située à l’autre bout du terrain de jeux, me chatouille les narines avec des effluves sournois de gaufres bien chaudes, aux arrêtes croustillantes et caramélisées. Un enfant imprudent passe sous mon nez avec une Barbapapa aérienne, qui penche dangereusement sur son bâton. Si j’osais, je donnerai un léger coup de griffe sur cette tour de Babel trop tentante. Personne ne remarquera rien, non ? Mais un doute me vient d’emporter sur le bout de mon doigt, malgré ma dextérité, toute la vapeur de sucre rose. Scandale intolérable de larcin glouton sur un ange sans défense : ma réputation de maman idéale en prendrait un coup ! Avec effort, je vide mon nez des odeurs trop alléchantes, qui finissent par me rendre nerveuse. Raisonnable, mais submergée par un long soupir de regret, je contemple résignée le bac à sable humide, où se disputent une ribambelle de râteaux et de seaux en plastiques, dont certains sont parfumés à la fraise ou à la vanille. Je décline, comme un refrain de comptine « 1, 2, 3, nous irons au bois », les saveurs mêlées des biscuits broyés aux accents de beurre frais, du pain d’épices en miette, des gourdes de compotes de pommes éventrées, et de quelques quignons de pains barbouillés de sable et de Nutella. En m’approchant d’une échelle, qui franchit un précipice imaginaire, où ma fille se dispute la place avec un petit camarade qui sent le chocolat, je suis soudain fouettée par une farandole d’enfants heureux, débarbouillés généreusement avec des lotions pour le visage, où je débusque l’odeur de Poupina, de Mustella, d’un shampooing à la Poire et d’une eau de toilette à la Tagada.
Mais en retournant prendre place sur mon banc, assise bien sagement, mes narines trainent et capturent sans plaisirs les relents d’un monticule de feuilles mortes, la poussière des Platanes, la flétrissure de fleurs en fin de vie, au cœur de pollen mouillé.
Non, décidemment, je n’apprécie pas de passer du temps sur un banc dur et froid, dans un square des familles. Résultat mon nez boude, et déforme les odeurs, sans rien leur trouver de quoi que ce soit d’agréable. Je fais un caprice. Na !
Pourtant, j’ai de la chance, car il ne fait pas encore trop froid en ce début d’automne, la lumière est douce et apaisante. Songeuse, je compte la fréquence des gamelles, et le nombre de bouches soudainement ouvertes sur un cri scandalisé « je-m’a-fais-mal-maman ». Je repère les coups d'épaules et autres tatanes à l’insu des grandes personnes, et je mesure combien cet univers lilliputien est redoutable. Lorsque je me suis lancée dans la grande aventure à deux, de faire des enfants, j’avais imaginé de nombreux scénarios comportant moult scènes de plaisir, d’engueulade, de rire, de responsabilités, mais je n’avais pas envisagé celle qui revient en boucle : l’après-midi au square du quartier, parce qu’il ne reste plus beaucoup de temps entre la fin de la sieste, et le début du bain/repas/dodo du soir. Mais comme tout bon parent qui se respecte, j’enfile blousons et chaussures et, en route ma poule, dehors tout le monde afin de prendre l’air, quitte un brin dans le coin, pour dépenser le trop plein d’énergie accumulée dans les petites jambes et les petits poumons !
Le Square, donc.
Long et étroit rectangle de verdure bien ordonnée, aux allées de graviers régulièrement ratissées, délimité par quelques arbres soigneusement taillés et encadré par la ligne d’immeubles en briques rouges de mon quartier. A la proue, on trouve le vieux kiosk qui ne musique plus du tout, mais qui résonne des conversations d’ados qui échangent le dernier single indispensable, sur leurs MP3. En poupe, coté piaillements, un quadrille de bancs publics, jamais assez nombreux cependant pour accueillir tous les parents abandonnés, qui couvent d’un œil vague la marmaille bruyante, déboulant parmi les éléments de la minuscule maison de Crusoé des villes. Assemblage de bois, plastique rigide et cordes synthétiques, défiant toutes les normes de sécurité Européenne, prolongé par deux toboggans en aluminium froid. Et pour recevoir les petites fesses aventurières, un sol en caoutchouc absorbant, qui parfois fait pouic, quand on marche dessus pour secourir notre bambin. A chaque pouic, un petit jet de gaz odorant qui rappel l’odeur de la chambre à air des vélos de mon enfance, et la crème Mitosyl.
Assise sur mon banc je me tortille comme une gamine impatiente, car la guinguette, pourtant située à l’autre bout du terrain de jeux, me chatouille les narines avec des effluves sournois de gaufres bien chaudes, aux arrêtes croustillantes et caramélisées. Un enfant imprudent passe sous mon nez avec une Barbapapa aérienne, qui penche dangereusement sur son bâton. Si j’osais, je donnerai un léger coup de griffe sur cette tour de Babel trop tentante. Personne ne remarquera rien, non ? Mais un doute me vient d’emporter sur le bout de mon doigt, malgré ma dextérité, toute la vapeur de sucre rose. Scandale intolérable de larcin glouton sur un ange sans défense : ma réputation de maman idéale en prendrait un coup ! Avec effort, je vide mon nez des odeurs trop alléchantes, qui finissent par me rendre nerveuse. Raisonnable, mais submergée par un long soupir de regret, je contemple résignée le bac à sable humide, où se disputent une ribambelle de râteaux et de seaux en plastiques, dont certains sont parfumés à la fraise ou à la vanille. Je décline, comme un refrain de comptine « 1, 2, 3, nous irons au bois », les saveurs mêlées des biscuits broyés aux accents de beurre frais, du pain d’épices en miette, des gourdes de compotes de pommes éventrées, et de quelques quignons de pains barbouillés de sable et de Nutella. En m’approchant d’une échelle, qui franchit un précipice imaginaire, où ma fille se dispute la place avec un petit camarade qui sent le chocolat, je suis soudain fouettée par une farandole d’enfants heureux, débarbouillés généreusement avec des lotions pour le visage, où je débusque l’odeur de Poupina, de Mustella, d’un shampooing à la Poire et d’une eau de toilette à la Tagada.
Mais en retournant prendre place sur mon banc, assise bien sagement, mes narines trainent et capturent sans plaisirs les relents d’un monticule de feuilles mortes, la poussière des Platanes, la flétrissure de fleurs en fin de vie, au cœur de pollen mouillé.
Non, décidemment, je n’apprécie pas de passer du temps sur un banc dur et froid, dans un square des familles. Résultat mon nez boude, et déforme les odeurs, sans rien leur trouver de quoi que ce soit d’agréable. Je fais un caprice. Na !
excellent, splendide que ce texte !
RépondreSupprimerbizarrement j'y retrouve des émotions, des moments, des souvenirs vécus. Du vrai, du vécu, j'ai beaucoup ri en lisant "quel ennui" ou encore "en route ma poule", j'ai eu l'impression de m'écouter.
Quant aux coups de griffe dans la barbapapa, fais comme moi l'autre jour à la fête : achète t'en une !
Mmmmh un régal...
Mon homme ne pensait pas pareil, mais qu'est ce que j'ai aimé ça !
Bisous à toi
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerMoi, ce sont les pommes d'amour. Dès que j'en vois, j'en veux une. Et dès que je l'ai, je me rappelle que je n'aime pas ça...
RépondreSupprimerTout y est !
RépondreSupprimerMe rappelle lorsque je vais jouer avec mon fils (enfin quand je le regarde faire des pâtés ou courir après les pigeons avec son épée en carton) : dans un des squares je perçois très nettement, par bouffées, un léger parfum de curry. C'est incongru et plaisant.
Un des gardiens m'a dit qu'il s'agissait d'une des plantes du square. Jamais trouvé.
a coté du funiculaire de Montmatre, en bas, dans la rue tardieu, prés d'une librarie, il y a un petit endroit de crêpes, j'y vais souvent acheter une crêpe Nutella, j'adore ...elles sont excellentes !
RépondreSupprimerAH me voilà replonger dans l'enfance et ses bacs à sable et autres attractions. Pour moi c'est l'odeur de l'écureuil qui sentait le métal froid(on se cognait partout dans ce truc-là ; pas CEE c'est sûr). Celle du tobbogan qui sentait le métal chaud à force de s'user les fesses dessus(oups les rougeurs en été!). Et l'odeur sale et poussiéreuse du bac à sable. Je l'ai bien dans le nez(c'est le cas de le dire) car une chippie m'en avait lancé dans les yeux. Bon finalement c'est pas des si bons souvenirs que ça!Pourquoi y va-t-on!
RépondreSupprimerJe n'ai jamais rien lu d'aussi délicieux sur un après-midi au square : je crois que je ne verrai plus jamais cette scène de la même façon.
RépondreSupprimerBonjour Valérie,
RépondreSupprimerLa prochaine fois que j'ose m'offrir une barbapapa, je penserai à toi !
Ô combien tu as raison vinvin ! C'est vrai, comme toi j'ai toujours été attirée par ce rouge brillant et succulent, et ensuite, au delà du sucre, la banalité d'une pomme de piètre qualité en generale. C'est pas bon, sauf à coller son nez dessus
RépondreSupprimerCoucou La Flore
RépondreSupprimerHé bien pour un scrutateur de la faune également, je me rend rend compte que ton truc c'est vraiment l'humain! ;))
Pour les odeurs de curry c'est peut être la Tagette ? Ou la gare du Nord...si tu habites de ce coté là ???
Incroyable anonyme !
RépondreSupprimerJ'ai acheté sans doute les même crêpes au même endroit pendant des années, mais avec une lichette de citron, ou beurre/sucre tout simplement ! Le nutella etait pour mon petit bonhomme, après un tour sur le manège à chevaux.
Bonjour Alice,
RépondreSupprimerC'est parceque tes parents pensaient que c'etait bon pour toi !Tu es sure que tu n'a pas un tout petit bon souvenir ???
Bonjour Miss Zen
RépondreSupprimerEt merci...offre moi tes prochaines impressions ! :)
Ah le square... Par ici les squares sont souvent entourés de canaux, donc viennent s'y ajouter des odeurs aquatiques, parfois d'eaux stagnantes ou boueuses. Le square en automne c'est parfois vaguement triste.
RépondreSupprimerBonjour Sakura,
RépondreSupprimerOui, je suis tout à fait d'accord avec vous! Et en hiver on se les gèle, et on attend avec imaptience l'heure de rentrer...j'ai du mal à courir avec les enfants !
Je n'ai pas de souvenirs d'enfance au square, mais j'ai des souvenirs très précis de dimanches après-midis passés à dévaler à la luge une colline enneigée de Vienne. Les cris des enfants qui filaient sur la neige, les appels des parents quand ils les perdaient de vue... mais surtout : les odeurs du goûter au retour !!! Chocolat chaud : crémeux et enveloppant qui réconforte en réchauffant, tarte aux quetsches et à la cannelle : l'acidulé des quetsches avec l'épicé de la cannelle et le sucre qui enrobe tout ça, le tout avec une pointe de café : celui que buvait mon papa.
RépondreSupprimerComme quoi, parfois c'est bien de "se les geler", parce qu'ensuite, quand on rentre, c'est encore mieux !!! ;-)
Laurence
Bonsoir Laurence
RépondreSupprimerSuperbe commentaire....parfumé et gourmand. Vos souvenirs sont précis et m'ont donné le sourire. Je me suis imaginé avec vous au goûter !:)) Merci.