mardi 1 septembre 2009

Pont des Arts

Passage du vent. Passage du temps.
Décidez d’un moment dans la journée. En été, aux alentours de 8h30 le matin, ou carrément la nuit. A l’automne, dans la matinée vers 11h. En hiver pas plus tard que 14h ou sinon le soir entre Chien et Loup. Au printemps le choix est vaste, mais j’apprécie particulièrement 19h. Ensuite choisissez d’aller vous asseoir sur le banc situé au centre du pont. Visage tourné vers l’île de la Cité, faites une pause pour vous vider la tête et le nez : regardez passer la Seine sous vos pieds entre les lattes de bois. Fermez les yeux, redressez votre visage et respirez, sentez, absorbez. Fourrez votre nez dans la grande haleine de Paris comme un geste impudique et mal élevé.
A chaque heure une odeur : un parfum au fil des saisons.
En Août, même au cœur de la nuit des effluves de bord de mer vous transporte vers les îles aux cocotiers nonchalants : parfum de crème solaire dont les parisiens et les touristes s’enduisent, c’est Paris Plage.
En Octobre un relent de toile ciré élimée, résultant des feuilles en décompositions mais adoucit par un nuage voluptueux de pneus surchauffé, voilà un parfum presque sucré. Une lichette de graisses trop cuite, un soupçon de menthe chaude et de clous de girofle, évoquent tout à tour mon dentiste et mon marchand d’épices métro Saint Paul.
Odeurs d’iodes lors des hivers orageux, lorsque le vent apporte le reliquat de l’Océan dans les plumes des mouettes venuent chercher refuge et nourritures faciles au cœur de la grande ville.
Parfum de métal, volutes électriques qui évoquent les feuilles de tomates vertes et la sève humide, certains soirs d’Avril après la pluie. Je perçois aussi quelques fois, si la journée a été chaude, des fragments de réglisse noir et le parfum de miel des châtaigniers en fleurs.
Et chaque jour, en filigrane tout au long de l’année, le souffle saumâtre de la Seine. Infusion étrange, qui émulsionne ensemble les relents fades et intemporels de la vase, l’exhalaison des immeubles anciens alignés le long des quais - dont les murs frottés par des siècles de givre et de vent, de pluie et de soleil, dispersent des volutes de craie et de bois - au parfum actuel du peuple Parisien : steak au poivre, café, crottes de chiens et confiture de fraises…

7 commentaires:

  1. Que d'envies naissent et de souvenirs renaissent quand on lit ce blog, toujours un réel plaisir.

    Je retourne vers de petits flacons vides pour compléter mon orgue, cire, propolis et ambrette sur ma main gauche... mais oxygène plein la tête grâce à cette lecture.

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Cedric et merci pour ces mots. Je suis ravie de créer des bulles d'air dans votre tête !

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour Céline, votre blog est un petit bijou et votre plume si raffinée, c'est un réel plaisir de vous lire.
    Moi qui n'ai pas l'odorat très développé, je ne peux que vous envier ce nez qui, même s'il vous joue des tours dans les taxis, vous emporte tout de même vers d'exotiques contrées...

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour Poirette,
    Merci pour vos doux compliments. Quand à votre odorat, c'est comme votre goût quand vous savourez vos plats préférés, ou des mets inconnus. Laissez faire votre curiosité, donner vous le temps d'écouter les odeurs, et vous verrez votre nez deviendre de plus en plus fin...

    RépondreSupprimer
  5. ce blog, c'est une pure merveille...je vous lis depuis une demi heure, et pendant une demi heure j'ai oublié où j'étais...magique

    RépondreSupprimer
  6. Bonjour Anonyme
    Et merci pour votre commentaire qui me touche vraiment. Je suis ravie de vous avoir permis de vous évader vers un ailleurs...

    RépondreSupprimer
  7. Comme Paris me manque...mais pas pour les odeurs =) sinon les odeurs des bistros ou des parfumeries! Ici à Porto, le vent est le compagnon quotidien, j'adore aller au bord de la mer à une petite terrasse perdue au milieu des rochers, écouter la violence des vagues été comme hiver, sentir l'air chargé d'iode venir me taquiner le nez et rougir mes joues, voir le ciel changer d'heure en heure en espérant que le coucher du soleil se glisse entre 2 passages nuageux, regarder les mouettes balancer des coquillages depuis l'air pour les casser avant de les déguster, ça me console de tout, et c'est les seuls moments où j'arrive à oublier que Paris me manque!
    Muguette

    RépondreSupprimer